L'auteur, ancien commandant de la 1re Armée, apporte une contribution de grand intérêt aux réflexions stratégiques ouvertes dans notre revue depuis quelques mois. Ses propos appellent référence aux déclarations du général Rogers sur la défense de l'Europe, dont nous avons rendu compte avec un article du général Claude Le Borgne (mars 1983) et celui de A.M. Thomas sur l'Air Land Battle et l'engagement américain en Europe (avril 1983). Elles sont aussi une prise de position personnelle dans le débat soulevé par le général Poirier en avril 1983 avec son article « La Greffe » sur une nouvelle conception des moyens de l'armée de terre et de leur emploi.
L'arête étroite
Le général d’armée (cr) François Valentin, ancien commandant de la 1re armée, apporte une contribution de grand intérêt aux réflexions stratégiques ouvertes dans notre revue depuis quelques mois. Ses propos appellent référence aux déclarations du général Rogers sur la défense de l’Europe, dont nous avons rendu compte avec un article du général Claude Le Borgne (mars 1983) et celui de A.M. Thomas sur l’Air Land Battle et l’engagement américain en Europe (avril 1983). Elles sont aussi une prise de position personnelle dans le débat soulevé par le général Poirier en avril 1983 avec son article « La Greffe » sur une nouvelle conception des moyens de l’armée de terre et de leur emploi.
Les Français aiment les luttes d’idées : guerres de religion, jansénistes et jésuites, querelles des Anciens et des Modernes, Bossuet contre les quiétistes, tout cela fait partie de notre héritage. Plus ces disputes portent sur des questions abstraites, plus nous y mettons d’ardeur et de passion. Les affaires qui touchent à la Défense nationale n’échappent pas à cette manière de nous comporter. Pourtant aucun domaine ne devrait être exploré avec plus de pragmatisme que celui-là. « Il n’y a point de recettes » en stratégie ou en tactique, écrivait le lieutenant-colonel de Gaulle dans l’un de ses premiers ouvrages. Nous savons d’ailleurs, depuis Claude Bernard et Henri Poincaré que, même dans les sciences telles que la physique ou la biologie, les théories sont des moyens d’explication souvent temporaires et non des dogmes. L’art militaire, contingent et expérimental, est bien davantage encore rebelle à la théorie.
C’est dans cet esprit que je crois devoir aborder le problème des rapports entre notre politique de défense et celle de nos alliés sur le « théâtre d’opérations » européen. Y a-t-il réellement une opposition fondamentale entre leur conception et la nôtre ? Sur quoi porterait-elle ? Si cette contradiction n’a pu être surmontée jusqu’ici, les solutions proposées aujourd’hui sont-elles de nature à y mettre fin ?
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