Ce texte a été prononcé lors d'un colloque organisé pour les officiers chrétiens dans le cadre du Vicariat aux armées. Sa caractéristique majeure est sa densité et sa cohérence, si bien qu'on ne peut en isoler une phrase ou un passage sans défigurer le sens du message qu'a voulu faire passer l'auteur. En particulier, il ne faut pas se laisser arrêter par une déclaration un peu provocante située au début de l'article, mais aller jusqu'au bout du raisonnement qui ne prône en aucune façon l'objection de conscience ou la non-violence systématiques. Il préconise de faire tout ce qui est possible pour résoudre pacifiquement les conflits qui coexistent dans un monde de violence, le droit de légitime défense étant lui aussi toujours reconnu.
L'Église catholique face aux problèmes de la guerre et de la paix au cours des siècles
Récemment, un théologien américain a affirmé : « Il n’y a pas de doute que le Nouveau Testament proclame un message de paix et appelle ceux qui voudraient être les disciples de Jésus à vivre la non-violence », « il est impossible à la théologie chrétienne d’échapper au défi de non-violence que présente le crucifix » et « les valeurs de paix et de non-violence s’imposent avec urgence à la conscience chrétienne ». Faisant un pas de plus, le même théologien va jusqu’à affirmer que « le défi pacifiste à la tradition de la juste guerre est devenu central pour l’Église dans son entier ». Et il poursuit dans les termes suivants : « On doit se demander, puisqu’il existe une convenance fondamentale entre la passion du Christ et la renonciation à la force violente, si l’Église dans son entier ne devrait pas faire passer dans les faits ce qu’elle symbolise dans la vie baptismale et eucharistique, à laquelle tous les chrétiens participent ».
De telles prises de position paraîtront sans doute choquantes à de nombreux chrétiens, surtout s’ils sont militaires. Ne seraient-elles pas à la fois excessives et fausses, puisque l’Église, dans un monde de violence, a toujours admis le droit de légitime défense, personnelle et collective, à moins qu’elles ne prétendent la mettre en cause elle-même ? Mais alors ce serait la prétention du théologien qui serait insupportable.
Peut-être vais-je surprendre en disant d’emblée que non seulement je lui donne substantiellement raison, mais que c’est la tradition même de l’Église qui le fait, ainsi que nous allons le voir. Il faut le dire avec force : à la lumière de la foi en Jésus-Christ, c’est la non-violence que nous sommes appelés à vivre dans toute la mesure du possible, et c’est la légitime défense qui pose problème, alors que d’instinct nous serions portés à penser le contraire. Les grands théologiens et les hommes d’Église qui, au cours des siècles, se sont efforcés de penser les problèmes de la guerre et de la paix pour leur temps, ont, certes, reconnu aux chrétiens le droit d’invoquer la légitime défense. Mais ils ne l’ont fait qu’à la suite d’une réflexion intense à partir de la problématique évangélique : fondamentalement, avec les mêmes convictions et les mêmes raisons que celles du théologien américain cité il y a un instant, convaincus qu’ils étaient que l’Évangile renouvelle en profondeur tous nos problèmes de vie en société.
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