Le 8 février 1982, le président Reagan a annoncé au Congrès son intention de reprendre la fabrication des armes chimiques interrompue par le président Nixon en 1968. Cette grave décision est l’aboutissement d’une lente évolution, déjà commencée sous la présidence Carter. Selon certaines sources, l’information acquise en 1978 de la présence de nombreux spécialistes soviétiques de guerre chimique à Cuba serait à l’origine de la violente et surprenante polémique surgie entre Brejnev et Carter au sujet du stationnement dans cette île d’une « brigade soviétique », alors qu’il est établi que depuis 1962 des troupes soviétiques appuient Fidel Castro. La menace chimique à brève distance sur la Floride rappelle la menace nucléaire qui avait valu entre Kennedy et Khrouchtchev l’affrontement de 1962.

La puissance soviétique en armes chimiques est le fruit d’un persévérant effort entrepris dès le lendemain de la guerre. Les gouvernements et états-majors américains s’en préoccupaient apparemment peu depuis les années 1960, et n’accordaient à ce domaine que des crédits faibles et consacrés à la protection, sans que néanmoins les recherches ne cessent de se poursuivre. Au cours de l’année 1981, s’est formée la double conviction que le gouvernement soviétique avait utilisé des armes chimiques en Asie, et était à même de les mettre en œuvre sur les autres théâtres d’opérations éventuels.

L’arme chimique avait été sensiblement oubliée ; alors que la première guerre mondiale avait vu sa naissance et sa rapide expansion, son inutilisation durant la seconde avait fait croire à son abandon. L’emploi qui paraît en avoir été fait en Asie a surpris et réveillé l’opinion. Nous donnerons ici d’abord son histoire et un bref rappel des problèmes qu’elle pose sur le plan du droit international. Dans une deuxième partie, nous étudierons ses caractéristiques, sa mise en œuvre, les potentialités des belligérants éventuels.