Que connaissons-nous en France, et en Europe, de ce petit pays d'Amérique latine coincé entre le Brésil et l'Argentine sur les bords du Rio de la Plata ? Peu de choses en vérité, et cette situation géographique particulière l'a fait comparer à la Suisse. Cette « lettre d'Uruguay », quasi-anonyme, vient nous apporter un grand nombre de précieuses informations.
Lettre d'Uruguay
« De la Suisse au Tiers Monde »…, J.-P. Clerc titrait ainsi un article sur l’Uruguay paru dans Le Monde en août 1981. Bien que le pays n’ait jamais été tout à fait la Suisse et ne soit pas encore le Tiers Monde, l’expression ne manque pas de force et de vérité. Uruguay, « vision de l’avenir », voilà une image également vraie et couramment utilisée chez les Européens, qui voient dans ce pays une illustration des menaces qui pèsent sur la vieille Europe à bout de souffle, et bien souvent impuissante devant les nombreux défis qui l’assaillent.
L’Uruguay fut, au début du siècle, avec l’Argentine, un pays exemplaire, tout particulièrement pour l’Amérique latine. Il connut prospérité, démocratie représentative, progressisme des lois sociales, absence de conflits sociaux majeurs, puis, à partir des années 1930, une lente plongée dans la crise, économique tout d’abord, puis sociale et politique. La dégringolade s’achève avec l’arrivée des militaires au pouvoir (1973), et l’exode massif de la jeunesse et des élites (20 % de la population). C’est alors une économie en déroute, un régime abhorré par la grande majorité de la population, des porte-parole médiocres, une protection sociale de plus en plus limitée. L’Uruguay de 1983 est sans âme et terne. Comment expliquer qu’un pays Blanc (95 % de la population), éduqué (taux d’alphabétisation : 95 %), bien doté par la nature (176 000 kilomètres de prairies fertiles), sans cataclysmes naturels (tremblements de terre, typhons etc.), bénéficiant d’un climat tempéré, et peu peuplé (3 millions d’habitants)… ait pu gâcher ses chances et se sous-développer, en apparence, de façon inexorable ?
L’Histoire est, comme un peu partout, un premier facteur d’explication. La « Banda Oriental » du Rio Uruguay fut, pendant les deux premiers siècles de la colonisation espagnole, une terre sous-administrée, domaine de la prairie et des « Gauchos », fréquemment en butte aux incursions des Portugais. En 1720, les Espagnols décidèrent de créer, sur les bords d’une telle baie naturelle, un fort, qui deviendra le noyau de la ville de Montevideo. Le développement de la ville est relativement lent, et ce n’est qu’à partir de la deuxième moitié du 19e siècle que Montevideo s’affirme comme un grand port, rival de Buenos-Aires, drainant l’essentiel des productions agricoles du pays (céréales, viande, cuir, laine). L’indépendance du pays, favorisée par les Anglais qui voyaient dans la ROU (République orientale de l’Uruguay) un État tampon entre le Brésil et l’Argentine, est proclamée en 1825. Il convient de noter que le fait national uruguayen, tangible, est plus alimenté par la haine du « Porteño » (l’habitant de Buenos-Aires) que par des réalités ethniques, culturelles, ou économiques.
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