L'auteur nous ramène une fois de plus dans les pays d'Amérique centrale qu'il connaît bien, pour soulever un problème majeur. Jusqu'ici les États-Unis ont eu une situation géostratégique quasi-insulaire car aucune menace ne pesait sur leurs frontières, ce terme étant entendu en son sens habituel. Déjà, lors de l'affaire de la dépêche Zimmermann pendant la Première Guerre mondiale, on avait pu penser que cette insularité pouvait être menacée, et c'était bien le sens de la démarche allemande qui a beaucoup fait pour provoquer l'entrée en guerre des États-Unis en 1917. L'auteur va plus loin en appliquant la notion américaine de « frontier » à l'Amérique centrale et aux Caraïbes.
La quatrième frontière nord-américaine
Pour les Européens, les États-Unis ont quatre frontières : canadienne au nord, pacifique à l’ouest, atlantique à l’est et mexicaine au sud. Aussi n’ont-ils pas compris les paroles du président Reagan s’adressant récemment au Congrès pour obtenir des crédits d’aide militaire extérieure : « La mer des Caraïbes et l’Amérique centrale sont notre quatrième frontière ». Les pièges des « faux amis », dénoncés par nos professeurs d’anglais, sont toujours redoutables. Les Américains distinguent en effet la boundary, ligne de démarcation, de la frontier, zone pionnière au-delà de cette limite. L’allusion du président des États-Unis est claire et sans détour : il ne s’agit pas d’une ligne mais bien d’un espace de vie où le génie des « pères fondateurs » doit se donner libre cours.
Au moment où cette région, qui a reçu cet hiver la visite du pape Jean-Paul II, est embrasée par des conflits mal perçus à partir de notre observatoire européen, il semble intéressant de nous pencher sur elle. Qu’a-t-elle représenté pour les États-Unis au cours de l’histoire ? Pourquoi est-elle vitale aujourd’hui ? Comment s’annonce sa destinée ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre afin de mieux comprendre le sens des combats qui se déroulent dans cette contrée autrefois paradisiaque aux dires de ses premiers explorateurs.
Un glacis historique
Cette quatrième frontière comprend le Mexique, l’Amérique centrale, les grandes et les petites Antilles. Définir son unité est assez difficile. Celle-ci ne réside pas, en effet, dans la géographie puisqu’à la corne d’abondance continentale s’opposent des centaines d’îles, d’îlots et de cayes qui forment l’arc caraïbe. Sa population n’est pas homogène ; il n’y a aucun point de ressemblance entre les descendants des Mayas au Guatemala, les Blancs importés de Galice que l’on croise à La Havane et les Noirs éparpillés dans les îles. Point d’harmonie linguistique non plus : dans la région, on parle espagnol, français, anglais et hollandais sans compter quelques dialectes.
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