« De la doctrine »
Le quatrième chapitre du Fil de l’Épée est consacré à la doctrine d’emploi des moyens militaires. Avant même de convier son lecteur au survol des grands champs de bataille de l’histoire, l’auteur récuse toute « doctrine a priori » et exalte la « doctrine des circonstances » : à l’esprit français qui « s’efforce sans cesse de construire une doctrine qui lui permette a priori d’orienter l’action et d’en concevoir la forme sans tenir compte des circonstances », il oppose le chef qui s’applique à « apprécier les circonstances dans chaque cas particulier », car, « les principes qui régissent l’emploi des moyens… n’ont de valeur… que par la façon dont ils sont adaptés aux circonstances ». Charles de Gaulle conclut en exprimant le souhait que la pensée militaire française « résiste à l’attrait séculaire de l’a priori, de l’absolu et du dogmatisme » et se laisse inspirer par « le goût du concret, le don de la mesure et le sens des réalités ».
En s’engageant aussi résolument, le chef de bataillon de Gaulle ne s’en prend à aucune théorie en particulier : il condamne aussi bien la défense statique de 1870 que l’offensive à tout prix de 1914. Il n’ignore pas l’intérêt de l’étude préalable des problèmes opérationnels : il en souligne au contraire la nécessité. Il ne nie pas la validité de certains principes : au contraire, l’épigraphe qu’il choisit pour ce chapitre reproduit la formule de Bugeaud ; « À la guerre, il y a des principes, mais il y en a peu ». Qu’on n’aille pas, pour autant, accuser d’inconstance le futur auteur de Vers l’Armée de Métier. S’il récuse les doctrinaires dans l’emploi des moyens c’est que, par essence, ils donnent à leurs idées préconçues la primauté sur les faits à venir, parce que, sans le savoir, ils échangent la victoire contre leur confort intellectuel.
Un tel parti n’est pas nouveau : « combien l’ont proféré déjà ! » souligne l’auteur dès les premières lignes de son propos. De fait, c’est déjà celui de Sun Tsu cinq siècles avant Jésus-Christ et ce sera celui de Machiavel, de Clausewitz et de bien d’autres. D’ailleurs on chercherait probablement en vain un penseur militaire prônant la pratique d’une doctrine a priori.
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