Dans un premier article (publié en août-septembre 1984), l'auteur a étudié des idées réformistes sur l'emploi des armes nucléaires tactiques et sur la défense par moyens classiques (c'est-à-dire non nucléaires). Dans ce deuxième article, il fait un bilan de solutions plus révolutionnaires : nouvelles formes de défense classique, défense civile non armée. Il examine également les problèmes d'intégration dans l'Alliance atlantique qui poussent certains jusqu'au neutralisme. L'ensemble de ces deux articles montre toute l'étendue des réflexions qui se sont fait jour depuis plus de trente ans sur la défense en Europe aussi bien en France que dans d'autres pays alliés et amis. L'importance de la bibliographie donnée en annexe tend également à le prouver.
Défenses alternatives - (II) D'autres formes de défense
C’est sur une remise en cause radicale de la bataille que s’appuie le modèle du commandant Brossolet. Le but de la dissuasion n’étant pas la victoire mais la non-guerre, l’atome dévalorise le char ; à la vitesse de l’ennemi, il faut opposer la profondeur du dispositif ; à sa masse, la légèreté et l’efficacité de la guérilla. À cet effet, un large filet défensif serait étendu de Bâle à Dunkerque (ou de Hambourg à Munich dans le cadre d’une défense européenne) sur une profondeur de 120 à 250 kilomètres, dans lequel des modules antichars de quinze hommes tiendraient des « mailles » de vingt kilomètres carrés, appuyés à la demande par des modules blindés ou aéromobiles. Chaque module antichar étant capable de détruire trois blindés ennemis, l’offensive ennemie s’épuiserait par attrition progressive. Ce système permettrait de tester les intentions ennemies et d’informer le gouvernement, qui aurait donc entière liberté d’action pour déclencher l’avertissement du nucléaire tactique. Brossolet est également favorable au développement des réserves, « base de la dissuasion populaire, complément indispensable de la dissuasion nucléaire ». Rejeté par le commandement, ce projet a été accueilli comme novateur par les partisans d’une dissuasion populaire : pour des raisons différentes, le général Georges-Picot et le colonel Doly l’approuvent, J.-P. Chevènement et le CERES s’en réclament.
En Allemagne de l’Ouest, Horst Afheldt a élaboré une doctrine qui s’en inspire. Dissuasion purement défensive (defensive Verteidigung), elle vise à rendre la guerre invraisemblable, à éviter la déstabilisation en cas de crise, et à maintenir en cas de guerre la cohérence des structures économiques et sociales. Limitant la puissance des armes, elle ouvrirait la voie à la détente. Tactiquement, 10 000 techno-kommandos, répartis sur toute l’étendue du territoire, seraient appuyés par un important réseau d’artillerie et de nombreux obstacles ; agissant de façon autonome, mais coordonnés par un réseau d’information et de guidage, ils exerceraient une action d’usure contre l’envahisseur, qu’il soit blindé, fantassin ou aéroporté. Le refus de la bataille à l’avant, et l’absence de cibles interdiraient toute frappe préemptive de l’adversaire. Les agglomérations seraient déclarées villes ouvertes, ce qui réduirait considérablement les pertes. L’efficacité de la techno-guérilla serait garantie par l’utilisation des armes les plus performantes : missiles antichars et anti-aériens, lance-roquettes multiples, micro-électronique de guidage.
Le système de défense en filet est également retenu par le général Löser, mais uniquement pour la zone de l’avant. Il partage en effet la République fédérale (RFA) en 3 zones : à l’est, sur 100 kilomètres, le bouclier ou « support défensif », à base d’unités légères d’infanterie — en zone centrale, les forces mécanisées de contre-attaque — à l’ouest, les forces de protection de la patrie (Heimatschutzkräfte). Stratégie de défense « mesurée » de la paix, elle se veut également populaire et globale : mobilisant un grand nombre de réservistes, elle s’appuie autant sur la motivation de défense que sur des armes nucléaires strictement dissuasives.
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