Constatations et interrogations
Je crois qu’il est permis de rêver à ce que pourrait être un questionnaire qui relèverait du même esprit que ceux qui sont parfois utilisés dans les corps de troupe afin de mesurer le niveau culturel des recrues mais qui, en l’occurrence, serait diffusé parmi les lecteurs du plus imposant, du plus abondant et apparemment du plus sérieux des journaux français du soir. Les questions pourraient être les suivantes : quelle différence faites-vous entre les MBFR et les START, qu’est-ce qu’un processus de mirvisation, qu’entend-on par le sigle MAD, qu’est-ce qu’un MX (LGM 118), que sont les ABM Galosh ? Pouvez-vous dire quel est l’écart circulaire probable des SS-20, quel est le contenu de l’ordonnance de janvier 1959 ? Je ne suis pas très sûr que les lecteurs du Monde, qui ont pourtant tous les éléments d’information nécessaires pour répondre à ces questions, seraient beaucoup plus brillants que les recrues lorsqu’on leur demande qui est Vercingétorix ou Louis XIV. Or, il s’agit pourtant de termes qui sont nécessaires pour la compréhension des problèmes généraux de la défense nationale, car derrière ces termes se dissimulent un certain nombre de notions, qui, elles aussi, sont indispensables à la compréhension des problèmes de défense.
Ce simple rêve a pour seul but d’illustrer l’extraordinaire complexité que dissimule le premier terme de notre réunion : la « défense ». Derrière ce mot se trouvent en effet des éléments d’une étonnante multiplicité et qui relèvent de l’étude des relations internationales aussi bien que des connaissances techniques mettant en cause la réflexion politique comme la réflexion sociologique ou l’idéologie. Or ces éléments sont non seulement multiples mais difficiles à isoler les uns des autres, ils sont tous interdépendants. Il est difficile de comprendre l’évolution présente des relations internationales si on ne sait pas ce qu’a pu être, au cours de ces dernières années, la révolution de la prévision en matière de stratégie nucléaire. Toute réflexion sur l’état présent des forces armées françaises ne peut manquer de tenir compte d’un certain nombre de données qui sont à la fois démographiques, morales, économiques aussi bien que politiques. S’il est difficile d’isoler chacun de ces éléments, il est aussi difficile, en vérité, de les relier les uns aux autres, d’en faire une véritable synthèse. Tel est le drame de tous ceux qui se souhaitent spécialistes des problèmes et qui ont bien du mal à se frayer un chemin raisonnable !
Je ne parle ici que de défense militaire, bien que le concept de défense doive être conçu de façon infiniment plus large. Mais si le concept est particulièrement complexe, il faut également admettre que le terme « média » n’est pas non plus d’une parfaite simplicité. Qu’entend-on par média ? Il y a, bien entendu, la presse écrite et nous songeons surtout à ses grands titres. Il y a les moyens audiovisuels, la radio et la télévision, mais que d’études seraient à faire afin de préciser l’audience de ces médias, la diversité de leurs publics ? Bien sûr, il y a la grande presse nationale mais qu’en est-il de la presse régionale ? Qu’en est-il de cette presse innombrable qui est liée à la vie associative et qui tend à prendre une place considérable à l’intérieur du système d’information de ce pays ? Parler de la télévision suppose que l’on fasse une distinction non seulement entre les types d’émissions mais aussi entre les horaires, entre les émissions précédentes et celles qui suivent. Donc, là encore, nous nous trouvons en présence d’un terme apparemment clair, dans lequel chacun semble pouvoir se retrouver, mais dont l’étude se montre en vérité d’une difficulté particulièrement redoutable.
Il reste 85 % de l'article à lire
Plan de l'article