L'auteur, qui rentre d'un voyage aux États-Unis où il a eu de nombreux contacts avec des personnalités américaines, esquisse les grands axes de la politique étrangère et de la politique de défense des États-Unis pendant le premier mandat du président Reagan.
Le défi de l'aigle américain
« Il y a aujourd’hui sur la terre deux grands peuples qui, partis de points différents, semblent s’avancer vers le même but : ce sont les Russes et les Anglo-Américains (...) L’un a pour principal moyen la liberté, l’autre la servitude. Leur point de départ est différent, leurs voies sont diverses, néanmoins chacun d’eux semble appelé par un dessein secret de la Providence à tenir dans ses mains les destinées de la moitié du monde ».
Alexis de Tocqueville — 1835 (1)
Avant d’examiner le bilan de la politique étrangère et de la politique de défense des États-Unis au cours du mandat du président Ronald Reagan, il est sans doute essentiel d’analyser l’attitude du peuple américain vis-à-vis de ces problèmes en fonction de la tension qui, historiquement, a toujours existé dans son âme entre l’attachement à l’expérience et la prédisposition à l’idéologie. Cette dernière est exprimée en 1983 par Arthur Schlesinger quand il écrit : « L’élite de la pensée calviniste voyait (il s’agit des pères fondateurs) dans les États-Unis une nation rédemptrice. Cela s’est exprimé au XVIIIe siècle par la théologie de la Providence de Jonathan Edwards, au XIXe siècle avec la théologie de l’esclavage de John Calhoun, au XXe siècle avec la vision de Woodrow Wilson d’un ordre mondial et par l’appel de Foster Dulles à une guerre sainte contre le communisme athée » (2).
Les États-Unis sont également tiraillés par un non-interventionnisme pouvant aller jusqu’à l’isolationnisme exprimé en 1823 par le président James Monroe. Pour les Américains, l’interventionnisme est la doctrine selon laquelle l’ordre mondial doit être maintenu dans les pays tiers par l’emploi de la force. Le non-interventionnisme est le non-emploi de la force mais n’exclut pas que les États-Unis se considèrent encore comme la conscience rédemptrice du monde entier, montrant le chemin de la perfection par ses institutions démocratiques et par la pratique de la liberté : il s’agit donc de convaincre par l’exemple plutôt que de vaincre par le glaive.
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