Dans nos livraisons d'octobre 1984 et mai 1985, André Vigarié nous a amplemennt décrit l'accession de la Chine et des États du Sud-Est asiatique à une activité maritime en rapport avec leurs ambitions économiques. L'auteur présente ici les efforts importants fait par les pays de l'Ansea (aujourd'hui, Association des Nations de l'Asie du Sud-Est) pour se constituer des forces navales significatives et mettre sur pied une coopération militaire souhaitable mais délicate. Par ailleurs, une chronique maritime d'Yves Perros donne un aperçu des marines des pays du Pacifique Ouest.
L'Ansea (Association des Nations du Sud-Est asiatique), puissance maritime ?
Au début des années 60, la partie sud de la mer de Chine méridionale avait failli être le théâtre d’affrontements armés à cause des ambitions expansionnistes de l’Indonésie de Soekarno, qui revendiquait à la fois la Malaisie et la partie hollandaise (occidentale) de la Nouvelle-Guinée. Limitée au plan régional, la confrontation aurait sans doute tourné à l’avantage de l’Indonésie : la marine malaisienne n’existait qu’à l’état embryonnaire, alors que la marine indonésienne recevait de très importantes quantités de matériels soviétiques (1). Mais la Malaisie reçut l’appui de la Grande-Bretagne qui dépêcha sur place une division navale. Les Pays-Bas firent de même pour appuyer la Nouvelle-Guinée, en envoyant leur unique porte-avions, le Karel Doorman et deux destroyers. Le 15 janvier 1962, l’un d’eux avait un accrochage avec des patrouilleurs indonésiens qui cherchaient à débarquer des commandos à l’intérieur de la Nouvelle-Guinée. Mais ce combat retardateur ne devait pas empêcher l’intégration de la Papouasie occidentale dans la fédération indonésienne.
À partir de 1965, le renversement de Soekarno par un coup d’État militaire devait entraîner un relâchement de la tension. Djakarta renonçait à la konfrontasi avec la Malaisie pour donner la priorité à la modernisasi, au développement économique. Le sud de la mer de Chine méridionale allait ainsi connaître une grande tranquillité, tandis que la tension remontait plus au Nord, avec l’intervention des États-Unis au Vietnam. Harcelée par une guérilla communiste, la Malaisie avait autre chose à faire que de créer une flotte de haute mer. De son côté, l’Indonésie, qui avait rompu tout contact avec l’Union Soviétique, ne pouvait plus entretenir les navires livrés au temps de Soekarno et devait assister au déclin prématuré de sa puissance navale qu’elle n’était pas capable de maintenir en s’adressant à des fournisseurs occidentaux, trop chers.
L’évolution de la situation politique
Cette situation s’est modifiée dans les années 70 sous l’impact de deux facteurs. Il y a d’abord eu l’émergence d’un nouveau droit de la mer, dont tous les pays de la région ont aussitôt entrepris de tirer parti. Les Philippines et l’Indonésie ont revendiqué le statut d’État archipel pour placer sous leur souveraineté toutes leurs eaux intérieures, y compris les détroits indispensables à la navigation internationale. L’archipel indonésien englobe ainsi les détroits de Lombok, emprunté par les sous-marins des grandes puissances maritimes qui se rendent dans l’océan Indien ou en reviennent, et de la Sonde, utilisé par les pétroliers géants qui ne peuvent plus passer par le détroit de Malacca. Celui-ci, par où transite l’essentiel du trafic, est bordé à la fois par l’Indonésie et la Malaisie. Le 16 novembre 1971, les deux pays l’ont rattaché à leurs eaux intérieures, en affirmant que la sécurité de la navigation y relevait exclusivement de la compétence des États riverains (2).
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