Conférence de la secrétaire d'État auprès du ministre de la Défense prononcée devant les auditeurs de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN).
Défense : formation du personnel, des écoles aux réserves
Je centrerai mon propos sur l’esprit de défense qui préside à mon action dans l’ensemble de mes attributions, plus particulièrement pour ce qui concerne la formation et la gestion de la ressource humaine, depuis les écoles jusqu’aux réserves.
Vous avez en effet souhaité que je m’exprime non seulement sur le sujet classique des réserves, mais sur l’ensemble des attributions qui sont les miennes. J’ai donc essayé de faire une présentation cohérente de ce travail, afin que vous puissiez voir les relations entre les différents sujets que je suis amenée à traiter.
Comme l’a rappelé M. le président de la République, et comme vous l’a expliqué, ici même, M. le Premier ministre, notre défense demeure indiscutablement fondée sur la dissuasion nucléaire. Mais notre défense militaire, composée des forces nucléaires et classiques, doit être inscrite dans le cadre d’une défense globale, militaire et non militaire.
Cette défense globale comprend la défense civile, dont vous parlera M. le ministre de l’Intérieur, et également la défense économique, prévues dans l’Ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation de la défense. Dans une acception plus large, et peut-être plus prospective, le concept de défense globale devrait, sans doute, être approfondi dans les domaines scientifique, technique et culturel.
Dans ce contexte, trois priorités ont dominé mon action au secrétariat d’État à la Défense. La première, c’est la relation armée-nation. En effet, l’idée même de défense globale suppose une plus grande communication entre l’armée et la nation. Non seulement il est indispensable que celle-ci soit solidaire de son armée, et nous sommes sur la bonne voie, comme le montrent les derniers sondages, mais il faut aussi que la défense fasse la démonstration qu’elle ne constitue pas un monde à part, enfermé dans des certitudes et dans des nécessités inaccessibles à la discussion. Il faut surtout que les hommes et les femmes de la défense soient à même de dialoguer avec le monde civil. La révolution technologique devrait les y aider : l’informatique, l’électronique, la conquête spatiale ne constituent pas des domaines spécifiques. Les deux mondes doivent apprendre à se connaître, à se comprendre et à s’apprécier.
Mon objectif est donc de consolider les ponts entre l’institution militaire et la société civile. Et, pour faire passer ce message, nous devrons utiliser toutes les ressources médiatiques ainsi que les nouvelles méthodes de communication. Nous faisons déjà beaucoup par le cinéma, la télévision, les journaux et brochures, mais nous devrons encore amplifier notre effort, notamment auprès des jeunes. De ce point de vue, les protocoles signés par le ministre de la Défense avec divers ministères, en particulier ceux de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et des Sports, donnent déjà des résultats très encourageants pour une meilleure communication avec la société civile. C’est également le cas pour le protocole signé avec M. Delebarre, qui permet de faciliter les formations professionnelles et l’insertion des appelés après le service national.
La seconde priorité est celle de la modernisation. De nos jours, en effet, il faut être capable de constamment penser à l’avenir : les durées de mise au point des matériels et de formation des hommes sont telles que nous ne pouvons pas nous contenter de gérer le présent en fonction de simples projections du passé.
L’efficacité ne peut pas être conçue dans le court terme, car les réformes seraient dépassées avant même d’être opérationnelles. Il faut, d’autre part, que notre système de forces soit cohérent. Aussi, une formation technique et scientifique de base est-elle indispensable dans tous les domaines : l’interopérabilité en dépendra directement.
Il faut donc être capable de s’adapter à des changements de plus en plus rapides, en utilisant, en particulier, le système de formation. Les écoles constituent, de ce point de vue, la véritable matrice de la société et de l’armée futures. Mais cette modernisation et cette adaptation aux changements du monde extérieur doivent se faire dans le plus grand respect de la ressource humaine.
La troisième priorité est de ne jamais négliger l’aspect social des choses. Les personnels de la défense et leurs familles doivent, en effet, faire face à des sujétions très lourdes, dont certaines apparaissent d’ailleurs, aujourd’hui, de plus en plus contraignantes. Il est donc nécessaire de poursuivre, en l’adaptant aux nécessités du moment, une longue tradition républicaine, celle de la promotion sociale ; des facilités de retour à la vie civile doivent être aménagées, et la protection sociale face à des risques nombreux doit être, elle aussi, augmentée.
Ce sont ces trois impératifs : ouverture sur le monde civil, modernisation et équité sociale qui, depuis plus d’un an, m’ont guidée pour mettre en œuvre les attributions qui m’ont été confiées par le ministre de la Défense : écoles, intégration des femmes, action sociale, sportive, adaptation des réserves à des besoins nombreux, ou encore participation de l’appareil militaire à la protection des populations.
Je traiterai ici, en essayant de les regrouper, de deux sujets principaux : l’un qui regarde la vie interne de l’institution de défense, et qui permet de comprendre ses évolutions, c’est le système de formation ; l’autre qui s’attache à la politique de défense et qui montre comment l’ensemble du pays est concerné par elle. Il s’agit de deux domaines finalement assez peu connus : la situation des réserves et la protection des populations.
La formation et le perfectionnement
La formation et le perfectionnement sont des leviers privilégiés pour traduire les priorités énoncées précédemment. La politique générale de formation se conjugue avec des aspects plus spécifiques que j’évoquerai aussi plus brièvement, concernant la féminisation, la reconversion professionnelle des militaires de carrière ainsi que l’éducation physique et sportive.
La masse globale de cette formation occupe dans les armées et à la délégation générale pour l’armement une place centrale : il existe, en effet, plus de 140 écoles, où servent comme cadres ou élèves 43 000 militaires d’active, et qui dispensent des cours ou des stages de durée variable. Ces chiffres n’incluent pas la formation donnée à l’intérieur des unités.
La formation, tout au long de la carrière, est considérable : un officier de l’armée de terre, passé par Saint-Cyr, peut en totaliser 8 ou 9 ans. Il faut dire, pour résumer, que l’appareil mis en place est de plus en plus orienté vers la formation permanente, en limitant la formation initiale. Vous pouvez d’ailleurs mesurer l’anticipation qui existe, dans les écoles militaires, par rapport à certaines écoles civiles qui n’utilisent pas un système comparable, notamment dans les domaines scientifique et technique. D’ailleurs, je voudrais vous faire apprécier cet effort de formation : pour le budget de 1985, cela a représenté près de 12 milliards de francs, soit 7,7 % du budget de la défense.
Quelle est la philosophie qui inspire cette politique de formation ? Ce sont toujours ces mêmes idées d’ouverture, d’adaptation aux évolutions technologiques et de promotion sociale.
Nous souhaitons, tout d’abord, que la formation des jeunes, comme la formation continue, soient au maximum ouvertes vers les préoccupations de l’ensemble de la nation, vers la manière dont celle-ci se pose les problèmes et tente de les résoudre. Il ne faut pas que, dès le plus jeune âge, les militaires se sentent enfermés dans une caste à part.
Qu’il s’agisse des grandes écoles d’ingénieurs (Polytechnique, École supérieure d’aéronautique, etc.) ou des formations techniques qui sont données à des officiers ou des sous-officiers dans le cadre de carrières courtes, une forte demande civile s’ajoute, d’ailleurs, aux besoins militaires. Par exemple, les formations techniques données dans les écoles de Rochefort, Saint-Mandrier et Issoire, sont très appréciées des employeurs civils.
La formation dans les armées n’est pas repliée sur elle-même. C’est ainsi que l’accueil des stagiaires étrangers contribue, de façon très importante, à maintenir l’influence de la France dans le monde. De même, en application du protocole entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Défense, des jumelages sont conclus entre établissements d’enseignement civils et militaires, pour permettre une meilleure connaissance mutuelle et l’utilisation commune des équipements. Nous recherchons donc des passerelles avec le secteur civil.
La formation ne doit pas se tenir à l’écart des évolutions scientifiques, techniques et pédagogiques. Dans les écoles d’officiers, ont été créés des conseils de perfectionnement où siègent des personnalités des milieux universitaire et industriel, chargées d’adapter en permanence les programmes et les méthodes aux exigences du monde de demain. Cette ouverture sur l’extérieur apparaît également dans la composition du corps enseignant : les conférenciers civils voient leur nombre et leur importance s’accroître. Elle aura pour contrepartie la reconnaissance de la qualité des enseignements délivrés par les écoles militaires et de la valeur des diplômes. Ainsi, sont entretenues des relations étroites avec le ministère de l’Éducation nationale pour obtenir des homologations et des équivalences.
Deuxième idée : l’adaptation aux évolutions technologiques et la modernisation sont primordiales. Un effort tout particulier est fait pour l’équipement informatique des écoles, le recyclage des instructeurs, ainsi que l’adaptation des filières de formation à l’évolution prévue des techniques et des besoins des armées. De même, nous développons l’enseignement assisté par ordinateur et l’utilisation des simulateurs, qui constituent aujourd’hui une forme très efficace et rentable d’entraînement.
Le fait d’avoir dû adapter les programmes a entraîné un allongement de la durée des études. Les réformes les plus importantes de ces dernières années ont concerné la formation initiale des officiers de l’armée de terre. Comme vous le savez, la durée des études à l’école de Saint-Cyr a été portée, en 1982, de 2 à 3 ans. La formation générale, comme la formation scientifique, ont été considérablement améliorées et cela a entraîné la mise en place d’un corps enseignant de haut niveau ainsi que l’appel à des conférenciers extérieurs. La revalorisation des programmes scientifiques de l’École navale va dans le même sens.
Je voudrais, à ce point de mon propos, souligner la capacité de l’institution de défense à « digérer » très rapidement des réformes qui entraînent pourtant des bouleversements assez sensibles : l’appareil pédagogique vit sur sa vitesse acquise et nous sommes tous bien placés pour savoir qu’il est généralement assez conservateur, qu’il lui est difficile de se modifier d’une manière rapide. Or, la plupart des réformes engagées au sein des écoles militaires, et surtout dans les écoles de très haut niveau, ont été réussies en moins de deux années.
Par ailleurs, la formation initiale des officiers de gendarmerie sera également allongée d’un an à partir de 1986. Une réforme analogue va entrer en vigueur au profit des sous-officiers ou officiers de réserve de l’armée de terre devenant officiers par la voie du recrutement semi-direct.
Enfin, et c’est une mesure qui a été très discutée, dans le cadre de l’effort national pour accroître le nombre d’ingénieurs, l’effectif des promotions de l’École polytechnique passera progressivement de 330 à 450 élèves en 1991. Les options seront plus diversifiées et la part de formation par la recherche substantiellement accrue. Je rappelle que cette école avait déjà fait l’objet d’une réforme importante, dans les années 1974-1975 : on avait essayé de rétablir un enseignement mathématique plus large et de limiter l’enseignement de gestion, qui commençait à beaucoup se développer. Nous prolongeons cette réforme actuellement, et nous le faisons avec un équipement de laboratoires remarquable, qui devrait davantage servir aux besoins de l’école.
Les effectifs seront également augmentés dans les écoles d’ingénieurs dépendant de la délégation générale pour l’armement et dans l’option « sciences » de Saint-Cyr.
La troisième orientation de la formation est finalement le domaine privilégié des actions spécifiques de caractère social ou culturel. J’en donnerai quatre exemples, qui montrent la capacité de réponse de cet appareil à des préoccupations très variées.
Premier exemple : le régime des lycées militaires, qui permet de compenser certaines servitudes de la condition militaire, et cela sans obligation de se présenter à des concours dans les armées. Un effort tout particulier est fait, en outre, pour les classes préparatoires aux grandes écoles puisque la scolarité est gratuite pour tous (que les parents soient civils ou appartiennent au personnel de la défense), à condition de se présenter à des concours militaires. Mais il doit évidemment y avoir remboursement des frais de scolarité en cas d’échec. Cela représente un système d’aide très avantageux pour les élèves des familles à revenus modestes et devrait faciliter un meilleur niveau de recrutement dans nos grandes écoles. Nous retrouvons là une des traditions les plus anciennes des écoles militaires, qui était de prendre les enfants du peuple pour leur permettre de faire des études et d’aller jusqu’au bout de leurs talents.
L’institution militaire permet, par ailleurs, une forte promotion sociale dans le recrutement de ses cadres. En particulier, les écoles de recrutement semi-direct d’officiers (école militaire interarmes, école militaire de l’air, école militaire de la flotte) jouent un rôle très important en permettant à des sous-officiers de devenir officiers avec des perspectives de carrière comparables, pour les meilleurs, à celles des officiers de recrutement direct.
Le deuxième exemple de réponse que fournit cet outil de formation est la féminisation. C’est, avant tout, dans le domaine de la formation professionnelle et avec l’ouverture des formations techniques que nous avons voulu améliorer l’insertion des femmes dans l’institution militaire. Des études sont faites dans le cadre du contrôle général des armées, et les travaux de la commission d’étude prospective de la femme militaire ont été relancés. Nous n’avons pas de position de principe a priori sur les spécialités à ouvrir aux femmes : tout est affaire d’aptitude (notamment physique) et il faut donc, au cas par cas, définir des normes. Un des résultats déjà perceptibles est l’amélioration du niveau général de recrutement.
La plupart des écoles militaires sont aujourd’hui accessibles aux femmes, avec des quotas. Actuellement, l’armée française compte plus de 18 000 femmes (3 % des effectifs) dont 1 000 officiers. L’ouverture de l’armée aux femmes est un des aspects de son ouverture au monde civil. Elle permet d’intéresser aux problèmes de défense cette moitié de la population qui en a été, jusqu’ici, pratiquement exclue, et à lui faire mieux comprendre ses responsabilités en la matière. Cette responsabilité a des implications très fortes dans beaucoup de domaines : notamment dans l’éducation des jeunes, familiale ou scolaire, mais aussi dans la perception qu’ont les femmes (dont une majorité est dans la vie active) des nécessités d’une défense globale.
Nous avons constaté, dans cette expérience de féminisation, une évolution assez contrastée entre, d’une part, le service national (qui peut être volontaire depuis la loi de 1971 devenue définitive, il y a peu) et, d’autre part, l’accès aux écoles militaires ou les candidatures déposées pour ces écoles.
En France, à la différence de ce qui se passe dans un certain nombre de pays étrangers, il n’est pas nécessaire pour les femmes de faire leur service national avant d’aller dans une école militaire ; elles passent des concours normaux comme les garçons. En Suède, en revanche, il faut absolument faire son service national avant d’entrer dans une école militaire. La différence est sensible, car les filles sont beaucoup plus intéressées par une formation professionnelle que par le service national proprement dit. Ainsi, les « volontaires service national » sont actuellement un millier ; ce chiffre est relativement stationnaire, mais a plus que doublé au cours des trois dernières années. Par contre, nous enregistrons actuellement un grand nombre de candidatures dans les écoles. Celles de la gendarmerie, par exemple, voient 12 candidatures affluer pour une place. Cela est vrai dans la plupart des écoles techniques et vient du fait que l’armée offre la possibilité d’acquérir des formations qu’on ne peut pas toujours obtenir dans les écoles civiles. Comme les femmes sont assez défavorisées à ce point de vue, car il existe des aiguillages très étroits pour les métiers auxquels on les forme, elles trouvent un vif intérêt à devenir pilotes, mécaniciennes : cela leur semble des formations modernes.
Le troisième exemple de réponse est la formation vécue comme un mode d’action sociale dans les armées. Nous trouvons cela à travers la mission de reconversion professionnelle et à travers les efforts qui sont faits au profit du contingent. Nous en faisons aussi pour les hommes du rang, engagés sous contrat, qui doivent quitter l’armée entre 4 et 15 ans de service et dont le niveau d’instruction est souvent faible. Pour ce qui concerne les militaires du contingent, nous portons une attention particulière à leurs problèmes d’insertion professionnelle, et l’action des officiers-conseils des unités est ici prépondérante.
Le protocole d’accord avec le ministre du Travail permet de créer un certain nombre de formations pour les appelés, mais surtout de les aider en les informant sur les enseignements ou emplois qui pourront leur être proposés à la sortie. Nous considérons que le service national ne doit pas apparaître comme une parenthèse entre le chômage et le chômage, et nous mettons donc en œuvre des moyens importants pour l’éviter.
Le quatrième exemple de ce que fait l’outil de formation est le sport. C’est le domaine qui me tient particulièrement à cœur, compte tenu de mes anciennes responsabilités, mais qui permet aussi de développer les liens entre les activités civiles et militaires. Le bataillon de Joinville nous avait beaucoup aidés pour les Jeux Olympiques. Je rappelle que sur les 28 médailles que la France a gagnées, ils l’ont été par des militaires. Je pense que nous pouvons utiliser toutes les installations pour que soit développé le sport de haut niveau, qui participe à l’image de marque donnée par les armées. Le rôle des anciens moniteurs militaires est d’ailleurs prépondérant dans un certain nombre de sports (comme l’escrime, l’équitation ou le parachutisme). Des liens plus étroits doivent être noués avec les fédérations directement concernées par les entraînements militaires, car il existe, dans le sport et dans les armées, des valeurs communes qui méritent d’être développées, notamment le désir de « se dépasser ».
Finalement, le milieu des armées — on ne le dit pas assez souvent — est un formidable creuset d’innovation sociale : il est en perpétuelle adaptation et le rôle d’un ministre est de voir clairement quels seront les axes prioritaires du développement futur, en liaison avec la société civile et en étroite symbiose avec la société militaire. C’est dans cet esprit que j’ai abordé les problèmes des réserves, de la défense civile et de la protection des populations.
La politique de défense
J’en viens maintenant à la politique de défense et à deux de ses aspects : le rôle des réserves et la protection de la population.
Dans une défense militaire globale, fondée à la fois sur la dissuasion nucléaire et la participation des forces conventionnelles, la réorganisation de la modernisation des réserves occupe une place essentielle. Aussi, la loi de programmation 1984-1988 prévoyait-elle que « les unités mobilisées seraient réorganisées, afin d’accroître la rapidité de leur mise sur pied et leur capacité d’intervention contre toute forme d’infiltration adverse sur le territoire national ».
Plusieurs exemples étrangers montrent que le problème des réserves se pose, quelles que soient les options stratégiques. Ainsi, en Suède, les forces armées du temps de paix sont multipliées par neuf en temps de guerre. Les affectations se font d’abord dans des unités de mobilisation, puis dans des unités de défense territoriale et, enfin, dans la garde civique pour les volontaires. Les réservistes effectuent, en principe, des périodes d’entraînement tous les quatre ans.
En Suisse, il n’existe pas de réservistes mais des citoyens-soldats qui forment une armée de milice dont les effectifs permanents sont très réduits. En cas de mobilisation, l’armée peut mettre sur pied de guerre 10 % de la population. En outre, la protection civile dispose de 200 000 hommes. Le service de milice dure 30 ans, fractionné en trois classes d’âges, avec de fréquentes périodes d’instruction (au total, cela représente une durée d’un à cinq ans). Ce système semble bien adapté à une résistance statique.
Aux États-Unis, les réserves et la garde nationale constituent une force combattante de plus d’un million et demi d’hommes et de femmes, soit 39 % des effectifs militaires globaux. Ce chiffre n’est pas considérable, compte tenu de la population et de la taille du pays. La garde nationale dépend en temps de paix des États, mais se trouverait sous contrôle fédéral en temps de guerre. Les réserves pures sont uniquement fédérales ; elles complètent l’armée d’active avec laquelle elles sont en parfaite osmose. Comme il n’existe pas de conscription, les réserves viennent de l’armée active ou de la garde nationale et possèdent une formation de haut niveau. L’entraînement se fait au cours de périodes longues totalisant 30 à 40 jours par an, complétées par des cours par correspondance pour les matières théoriques.
À travers ces trois exemples, nous pouvons puiser des enseignements en matière de formation et de mobilisation. Ces trois pays, dont j’ai étudié de façon détaillée les systèmes, se distinguent également par une organisation efficace de leur défense civile.
En 1983, pour ce qui est de la France, a été créé un conseil d’étude des réserves, présidé par le secrétaire d’État à la Défense et qui permet de faire participer les associations de réservistes aux réformes engagées. Ce conseil est chargé de conduire une réflexion sur le rôle et l’avenir des réserves, de faire des propositions de réforme sur leur organisation et leur fonctionnement, de rechercher les moyens d’améliorer leur efficacité dans les domaines de l’instruction et de l’entraînement.
Quelle est aujourd’hui la situation en France ?
La ressource globale en matière de disponibilité (soit 4 ans après le service national) est de l’ordre d’un million. Puis, la réserve militaire (jusqu’à 35 ans) représente environ 3 200 000 hommes : soit un total de plus de 4 millions. Or les besoins des armées sont de 550 000 réservistes. Ainsi, approximativement, un officier sur deux peut être affecté, mais seulement un sous-officier sur cinq et un militaire du rang sur onze. À ces réservistes militaires s’ajoutent environ 6 millions de réservistes du service de défense, de 35 à 50 ans.
Le rôle de la réserve militaire est double. Elle doit tout à la fois assurer le complément des unités d’active — c’est la mission préférentielle des derniers contingents libérés — et mettre en place un dispositif de couverture sur l’ensemble du pays qui est destiné à préserver la liberté d’action du gouvernement et celle de la 1re armée.
Globalement, la part que prennent les réservistes dans notre armée mobilisée est loin d’être négligeable puisque, dans leurs nouvelles structures et au terme de la programmation, l’armée de terre, forte de 512 000 hommes, comprendra 53 % de réservistes et la gendarmerie 59 %. Dès maintenant, la marine et l’armée de l’air en comprennent, quant à elles, respectivement 25 % et 46 %.
Pour ce qui est de l’armée de terre, qui utilise à elle seule plus de la moitié des réservistes affectés, la majeure partie de ceux-ci aura pour tâche de participer au soutien logistique des corps d’armée ou de permettre la montée en puissance du service de santé qui, pour être tout à fait opérationnel, multiplie, au moment de la mobilisation, ses effectifs du temps de paix par cinq. Un nombre non négligeable de réservistes, 50 000 environ, apporteront au corps blindé mécanisé, une aide précieuse en réactivant, en particulier, les unités élémentaires ou les sections qui seront mises en sommeil dans une cinquantaine de nos régiments de combat.
Les principales innovations en matière d’organisation touchent surtout la défense opérationnelle du territoire, qui comprend 45 % environ des réservistes affectés de l’armée de terre. Cette réorganisation en cours vise à accroître la rapidité de mise sur pied des forces qui la composent et à améliorer leur capacité d’intervention contre toute forme d’infiltration adverse sur le territoire national. En particulier, la garde des points sensibles nationaux civils et l’intervention du premier niveau sont dorénavant confiées à la gendarmerie. En effet, nul mieux que cette dernière, dont c’est une des tâches permanentes dès le temps de paix, n’était en mesure de prendre en compte les missions d’observation et de renseignement décentralisées sans lesquelles aucune action efficace ne peut être menée.
Ainsi, dès la fin de cette année, les forces de DOT réorganisées pourront prendre à leur charge la sécurité du territoire, et notre corps de bataille sera en mesure de se consacrer exclusivement à sa mission principale.
Pour porter ses fruits, cette réorganisation, destinée à améliorer l’efficacité des réserves, doit être assortie de plusieurs mesures. En effet, la mise en sommeil de certaines unités de notre corps de bataille, réactivées seulement en temps de crise, tout comme la mise sur pied, en DOT, d’unités d’intervention devant remplir presque instantanément leur mission, imposent que nos réserves soient mobilisables rapidement et s’intègrent d’emblée aux unités d’active qu’elles complètent. La procédure de rappel des réservistes en cas de mobilisation va donc être révisée. Ainsi, on peut envisager, dans certains cas, comme cela se fait dans quelques pays étrangers, d’utiliser le téléphone ou de faire appel aux médias.
Il convient maintenant de définir nos axes de travail, qui sont le produit des travaux menés en commun avec le conseil d’étude des réserves. Parmi les buts que nous avons voulu poursuivre, il y a, tout d’abord, la formation et le suivi des réservistes. Nous cherchons à établir une cohérence entre la préparation militaire (dont la qualité doit être améliorée), le service national actif et la réserve, de sorte que l’instruction donnée soit réellement prise en compte. Il faut, également, améliorer la formation des élèves-officiers de réserve et préparer les cadres appelés pendant le service actif au rôle qu’ils auront à jouer dans la réserve. Afin de personnaliser les contacts entre les jeunes cadres de réserve et les responsables militaires qui auront à les gérer, les aspirants et sergents, titulaires du brevet d’aptitude spécialisé (BAS) du 1er degré, devront obligatoirement prendre contact avec les délégués militaires départementaux dans le dixième mois de service. Après le service actif, ils bénéficieront d’une affectation de mobilisation ou ils seront affectés dans un centre d’entraînement prémilitaire et des réserves. Un effort sera fait parallèlement pour améliorer la qualité de la préparation militaire et attirer des jeunes cadres de réserve compétents et dynamiques.
Deuxième axe de travail : un effort en direction des cadres et des spécialistes. Il s’agit d’une politique qualitative, qui fait appel à la motivation et dont les décisions les plus significatives sont à venir. Ainsi, nous étudions actuellement, sur proposition du conseil d’étude, de nouvelles modalités d’affectation des réservistes. Sans entrer dans le détail des mesures préconisées, sachez qu’elles visent à rétablir une certaine équité en ce qui concerne les affectations militaires, et à accroître notre effort d’instruction et d’entraînement pour les cadres. Elles sont actuellement en discussion et, si elles sont acceptées, elles pourraient se traduire par l’affectation dans la réserve militaire pendant une période de 15 ans, de tous les jeunes gens ayant accompli leur service actif. Actuellement, en effet, l’âge limite est fixé à 35 ans quel que soit celui auquel a été effectué le service. À l’exception des cadres de réserve et de quelques spécialistes dont nous avons impérativement besoin, l’affectation militaire sera quasi obligatoire pendant la disponibilité (c’est-à-dire 4 ans). Ensuite, pendant les 11 années où ils appartiendront à la catégorie des réservistes militaires non affectés, ils constitueront un réservoir d’hommes instruits dans lequel nous pourrons puiser pour la défense militaire et, éventuellement, pour la défense civile.
Cette mesure rétablira une plus grande justice pour ce qui concerne les affectations militaires des réservistes et nous permettra de disposer de jeunes militaires du rang et de jeunes cadres de réserve parfaitement instruits et entraînés. Elle sera assortie d’une nouvelle organisation des convocations, dont on peut dire qu’elles seront courtes et qu’elles revêtiront un double aspect : certaines, très spécialisées auront pour but de tester notre système de mobilisation, d’autres permettront d’entraîner de manière sélective nos diverses formations de réservistes, en faisant effort sur l’encadrement. Nous considérons, en effet, à ce stade, qu’une réflexion menée uniquement de manière quantitative ne peut aboutir. En nous inspirant d’un certain nombre d’exemples étrangers, et tout en ayant conscience de la spécificité française, nous avons donc décidé de mettre en place une politique qualitative basée sur la motivation. Elle a pour corollaire la reconnaissance du rôle des réservistes. Cela est parfois très difficile, mais il faut que, par exemple, les employés des entreprises puissent effectuer, sans difficulté, leurs périodes de réserve. L’exercice des responsabilités et du commandement, les qualifications acquises au cours de ces périodes seront, il faut y insister, utiles aux employeurs.
Ainsi, aux États-Unis, la plupart des chefs d’entreprise que nous avons interrogés considéraient les périodes de réserve comme une manière de formation professionnelle donnée à leurs cadres ; faire ces périodes n’était pas vécu comme une pénalité mais comme une valorisation. Or cela n’est pas le cas, loin s’en faut, dans notre pays où la situation est, pour le moins, contrastée. Il ne faut donc pas négliger tout ce qui permet la négociation avec les partenaires sociaux et avec les entreprises elles-mêmes. Nous avons constaté que certaines conventions collectives prévoyaient des clauses favorables financièrement aux réservistes convoqués pour des périodes de réserve ; nous pensons qu’il est possible d’en étendre le nombre. C’est pourquoi j’ai jeté les bases de négociations, qui pourront ultérieurement avoir valeur d’exemple, dans le secteur bancaire, auprès du monde agricole, auprès du monde du commerce et de l’artisanat. J’ai demandé en juin dernier à M. Delebarre d’intervenir devant la commission nationale des conventions collectives afin d’étudier dans quelle mesure les dispositions favorables aux réservistes, contenues dans certaines d’entre elles, pourraient être généralisées à l’ensemble des conventions collectives nationales. Je pense enfin qu’une telle démarche, pour être positive, doit s’accompagner — un peu en prenant exemple sur ce qui se fait aux États-Unis — d’un certain nombre de mesures privilégiant les employeurs qui favorisent l’entraînement de leurs réservistes.
D’autre part, certaines questions ne sont pas à éluder. C’est, tout d’abord, celle de la couverture des risques encourus pendant l’exécution des périodes : il a été, à plusieurs reprises, souligné par les associations de réservistes. Pour apprécier l’importance de cette question, j’ai fait entreprendre par les états-majors une étude statistique sur le nombre et la nature des accidents survenus dans chaque armée en 1982 et 1983.
Les officiers et militaires non officiers de la disponibilité et de la réserve qui participent à des activités militaires bénéficient de la couverture des risques dans les mêmes conditions que les militaires en activité. Les soins sont alors dispensés par le service de santé des armées, l’invalidité qui peut s’ensuivre ne donnant droit qu’à une pension militaire d’invalidité, calculée au taux du grade. Cette indemnité peut n’avoir qu’un lointain rapport avec le préjudice réellement subi.
Tout en maintenant le régime indemnitaire du code des pensions militaires d’invalidité, j’ai demandé, récemment, à la direction de la fonction militaire et des affaires juridiques, de négocier un contrat d’assurance collectif pour couvrir complètement ce risque ; pris en charge par les armées, il est sur le point d’être signé avec une grande compagnie d’assurances.
Autre orientation : développer les échanges et l’information. En effet, les réserves constituent un domaine privilégié pour favoriser l’osmose entre l’armée et la nation. La participation des réservistes à la préparation militaire et la noria qui s’établit ensuite avec le recrutement de nouveaux réservistes après le service militaire, font qu’une grande partie de la population se trouve ainsi touchée.
C’est, en particulier, dans ce cadre que peut se développer un véritable esprit de défense, diffusant largement dans le corps social.
Pour mieux faire connaître notre conception de ce que doit être la défense de notre pays et valoriser les réserves aux yeux de la population, il faut d’abord que les réservistes aient la volonté de se prendre eux-mêmes en charge en participant à l’amélioration du recrutement des jeunes cadres et en mettant tout en œuvre pour développer leur vie associative, qui ne doit d’ailleurs pas se limiter à leurs propres associations. Lorsqu’on connaît le nombre et la richesse de nos associations de jeunesse, de sport, on s’étonne du petit nombre d’accords locaux ou de conventions les liant à celles de réservistes, à nos centres ou sociétés de préparation militaire, à nos unités d’active…
Dans le domaine des médias, il nous faut mener une action de sensibilisation au niveau national. Le SIRPA est tout à fait indiqué pour conduire, en liaison avec les états-majors et les associations, une campagne d’information sur les réserves. D’ailleurs le magazine « Horizon » du 16 novembre leur a été consacré. Au niveau régional, toutes les activités les mettant en œuvre doivent être exploitées pour mieux faire connaître la réserve. Les états-majors régionaux ont, dans ce domaine, un rôle important à jouer en liaison avec les associations de réservistes locales et les différents milieux socio-culturels.
Le conseil d’étude des réserves s’est également intéressé à la participation des réservistes à la protection des populations. Ce qui m’amène, pour terminer, à aborder un problème plus large, dans une perspective nouvelle. En effet, les instances existantes ne s’étaient — pour certaines d’entre elles — pas réunies depuis plus de dix ans. À l’initiative conjointe du ministère de la Défense et du ministère de l’Intérieur, elles ont été relancées, ce qui permet de traiter le sujet de manière plus concrète.
La protection des populations civiles, qui figure dans les attributions du secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense, suppose la participation à l’ensemble des dispositions qui ont pour but d’assurer la vie de la population, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, en temps de paix comme en temps de crise ou de guerre. Elle participe à la défense globale et concerne donc aussi bien la défense civile que la défense économique. Ma préoccupation est de faire progresser, avec les divers ministères intéressés, ces différentes formes de notre défense, tout en veillant à la satisfaction prioritaire des besoins militaires.
Tout d’abord, en temps normal, les forces armées apportent leur concours sous diverses formes : missions de sécurité ou de secours de la gendarmerie, interventions sanitaires, secours en mer, unités militaires spécialisées renforçant la sécurité civile pour la lutte contre les feux de forêts…
Les unités militaires peuvent être chargées, à la demande des autorités civiles, de tâches de protection civile, à titre de mission secondaire et temporaire. Ainsi, les obligations du service militaire actif peuvent être accomplies dans des unités d’instruction de la sécurité civile placées pour emploi sous l’autorité du ministère de l’Intérieur : 2 000 appelés servent en permanence dans ces unités, à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou au bataillon des marins-pompiers de Marseille. De plus, chaque année, 1 500 appelés sont instruits et formés à des missions de sécurité civile, en particulier à la lutte contre les feux de forêts, dans des unités militaires spécialisées.
La participation des armées à la lutte contre les feux de forêts est fixée par un protocole du 31 août 1985. L’emploi de 12 unités spécialisées de l’armée de terre (1) est prévu, ainsi que l’utilisation d’hélicoptères en cas de risques sévères. En 1985, plus de 200 heures d’hélicoptères et de 23 500 hommes/jour ont été consacrés par les armées à cette mission (dont 50 % en Corse).
Au total, cette participation des armées à la protection des populations en temps de paix est donc essentielle.
En revanche, pour les temps de crise, la mise en œuvre de la défense à caractère non militaire a dû être repensée. Les travaux ont été menés au sein de la commission armée-jeunesse et du conseil d’étude des réserves relevant du département de la Défense, mais surtout, par la commission centrale du service de défense instituée auprès du secrétariat général de la défense nationale et la commission permanente de défense civile réunie au ministère de l’Intérieur depuis mars 1985. Je suis ainsi amenée, dans ces différentes instances, à coordonner l’action des divers représentants du ministère de la Défense, sur un sujet très important, très innovateur et éminemment difficile.
Tout d’abord, si l’on veut lier cette question à celle des réservistes, il convient de s’interroger sur la finalité et la réalité de l’affectation collective de défense concernant les administrations publiques, les collectivités locales et les activités socio-économiques considérées comme prioritaires. Je rappelle que l’affectation collective concerne le maintien dans leur emploi des personnels assujettis au service national, qui ne sont ni mobilisés, ni affectés individuels, ces derniers étant placés dans un poste civil différent de leur emploi habituel. Le problème, pour chaque organisme public ou privé, est de garantir la continuité de ses activités en palliant, par une réorganisation interne, l’absence des affectés militaires et des affectés individuels de défense. Tous les autres personnels, quels que soient leur âge ou leur sexe, devraient être préparés à leurs responsabilités en temps de crise. Or, actuellement, les affectations collectives de défense ne concernent ni les femmes, ni les hommes de plus de 50 ans. Une nouvelle forme d’affectation non militaire de défense est donc envisagée, par réquisition collective lors de la mobilisation, ou selon d’autres procédures.
D’autre part, le ministère de la Défense souhaite qu’un statut des affectés individuels de défense soit élaboré ; inspiré de celui des officiers et sous-officiers de réserve, en procurant les mêmes avantages, il pourrait tenir compte du volontariat des femmes et de limites d’âge différentes du statut militaire (à l’exemple de certains pays étrangers). Il supposerait que la gestion, l’instruction et l’entraînement soient assurés par les départements ministériels concernés. Des dispositions particulières pourraient être précisées pour chaque corps existant ou à mettre en place. Le conseil d’étude des réserves n’a pas souhaité qu’un organisme de gestion soit créé auprès du Premier ministre ou du secrétariat général de la défense nationale.
Actuellement, vous le savez, n’est organisé qu’un seul corps de défense de sécurité civile, dont le statut demande à être revu. De nouveaux corps pourraient être constitués, notamment dans les PTT, aux affaires sociales et pour la gestion de la circulation routière. Ils permettraient d’accueillir une partie des réserves militaires non affectées et d’envisager des doubles carrières, d’abord dans la réserve militaire et ensuite dans les corps de défense civile. Les possibilités d’avancement dans le cadre des réserves devront évidemment être soigneusement étudiées avec des systèmes d’équivalences.
Ainsi, vous le voyez, la formation et l’entretien des réserves apparaissent comme un complément indispensable des forces armées, celles-là constituant en outre un vivier pour la défense non militaire.
Enfin, une participation de la population à la défense de caractère non militaire doit être recherchée, en particulier grâce au développement des activités associatives. J’ai, en effet, pu constater, dans mes nombreux contacts avec le monde associatif, que cette participation est souhaitée ; j’ai été très intéressée par l’exemple suédois en la matière. En plein accord et en liaison étroite avec le ministère de l’Intérieur, le conseil national de la vie associative sera consulté, ainsi que les principales fédérations nationales pouvant concourir, par leur objet, à la défense. Des conventions pourraient ainsi être passées avec l’État et nous étudions des garanties comparables à celles des affectés individuels des corps de défense, qui pourraient être envisagées pour les volontaires participant à des missions de défense au sein de ces associations. Dans les pays voisins, nombreuses sont celles qui interviennent de manière quasiment bénévole dans la défense civile. Cela est particulièrement vrai pour le système de santé, mais les grandes associations familiales sont également mobilisées et tout un réseau de solidarité se crée. Or, en France, nous avons aussi de tels réseaux, le monde associatif est très développé avec, à la fois, des structures nationales fortes et des organisations décentralisées. Regroupant un grand nombre de ces associations au sein de la commission armée-jeunesse, nous avons pu vérifier combien elles étaient intéressées par cette réflexion, qui est assez récente en France. Nous avons réussi à faire participer le ministère de l’Intérieur à cette démarche, de sorte que la question est aujourd’hui étudiée dans les commissions compétentes sur la défense civile.
En conclusion
Je pense profondément que le rassemblement des énergies civiles et militaires, ainsi que la solidarité, doivent être les moteurs et le ciment de notre esprit de défense. C’est notamment grâce à des réseaux constitués au plan local, au plus près des besoins et des initiatives des populations, que nous pourrons insuffler au civisme un renouveau.
Du côté des armées, nous devons nous ouvrir à celui-ci et le conforter. C’est en ce sens que, depuis plus d’un an, je travaille, sous l’autorité du ministre de la Défense, en collaboration étroite et confiante avec les états-majors, les différents services du ministère et les associations de réservistes, auxquels je tiens à rendre hommage pour leur compétence, leur travail et leur dévouement.
Nous arriverons ainsi à une meilleure interpénétration entre les mondes civil et militaire, ce qui est précisément l’objectif de l’Institut des hautes études de défense nationale. Votre présence ici prouve que vous êtes intimement convaincus que cela est possible. La diversité de vos origines est le reflet des différents secteurs d’encadrement de la nation. Vous venez, en effet, des armées ou des administrations, des entreprises publiques ou privées, du monde syndical, de la presse… Dans tous ces domaines vitaux, vous avez déjà et aurez des responsabilités de premier plan.
C’est dans l’animation des hommes et des femmes de vos services que vous pouvez faire passer l’esprit qui nous anime ici et aider à la mise en place d’actions concrètes, par exemple dans le domaine des réserves ou de la défense non militaire.
Mais surtout, vous faites l’expérience qu’au-delà des clivages d’origines professionnelles, de formation, de sexe, de religion ou de tendances philosophiques et politiques, il est possible de se comprendre, de se respecter, et d’œuvrer ensemble dans une même direction. ♦
(1) NDLR : La marine et l’armée de l’air arment en outre une unité spécialisée chacune.