À propos des deux ouvrages de Hervé Coutau-Bégarie : La puissance maritime : Castex et la stratégie navale (Fayard, 1985 ; 311 pages) et Castex, le stratège inconnu (Economica, 1985 ; 260 pages).
À travers les livres - Castex : cet illustre inconnu !
Castex : cet illustre inconnu ! Tel est le thème, sinon l’intitulé, des deux livres que vient de nous offrir Hervé Coutau-Bégarie, ce brillant auteur dont nous avons déjà eu l’occasion de commenter pour nos lecteurs les premiers ouvrages, tous consacrés à la stratégie maritime, et qui a aussi, sur le même sujet, publié dans notre revue plusieurs articles remarqués (1).
Aujourd’hui, dans deux nouveaux ouvrages titrés respectivement « La puissance maritime (Castex et la stratégie navale) » et « Castex, le stratège inconnu », notre jeune stratégiste (ce terme distinguant le théoricien émérite qu’il est déjà du praticien qu’il ne peut pas être) se propose donc de faire revivre l’œuvre et la personne de l’amiral Castex, qu’il estime avec raison injustement oubliées (2). En effet, si dans les milieux militaires on se rappelle généralement son nom, si ceux déjà âgés qui ont eu le privilège comme nous de l’approcher conservent le souvenir de sa prestance magnifique et de ses talents exceptionnels, si enfin il arrive parfois qu’on évoque sa « théorie du perturbateur » (pour en retenir d’ailleurs l’appellation plutôt que le concept), qui lit encore les cinq volumes de ses « Théories stratégiques », publiées entre 1929 et 1935 et depuis longtemps introuvables ? Ou même, combien sont ceux qui connaissent l’existence de ses « Mélanges stratégiques », ce complément aux « Théories » édité à quelques centaines d’exemplaires en 1976, c’est-à-dire huit ans après sa mort ? (3). Et pourtant les lecteurs de cette revue ont été parmi les plus récemment informés sur l’œuvre de l’amiral Castex, puisqu’il a fait l’honneur de confier à Défense Nationale, après la guerre et jusqu’en 1959, la plupart de ses réflexions sur la stratégie (4).
Mais Hervé Coutau-Bégarie n’a pas voulu borner son ambition à la réhabilitation de la pensée et de la personne de l’amiral Castex. Si tel est bien l’objet de son second ouvrage, « Castex, le stratège inconnu », il a en effet entrepris dans le premier, intitulé à cette fin « La puissance maritime » (la référence à Castex ne figurant donc qu’en sous-titre), un véritable essai sur l’ensemble de la stratégie maritime. Comme il l’explique lui-même, il a recherché dans les « Théories stratégiques », pour lui « synthèse et dépassement de tous les écrits qui les ont précédées », les concepts qui lui ont paru encore valables et il s’en est servi ensuite comme bases de départ pour une meilleure compréhension de la stratégie maritime et de la géopolitique de l’âge nucléaire. En utilisant ainsi, pour reprendre la formule plaisante de Lucien Poirier, la « boîte à outils » que Castex lui a fournie, il s’est inspiré, explique encore notre auteur, du modèle inégalable que nous a proposé Raymond Aron avec son « Penser la guerre : Clausewitz », pour repenser à son tour la guerre navale (5).
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