L'auteur nous montre notamment que, de plus en plus, tout ingénieur, quels que soient ses travaux, doit se rapprocher des « opérationnels », a fortiori lorsqu'il est militaire. Il développe de surcroît, dans cet article qui paraîtra en trois parties en raison de sa longueur, la place « rénovée » que les ingénieurs doivent tenir face aux problèmes de défense pris dans leur acception la plus étendue.
Réflexions d'ingénieur sur la guerre (I)
« La guerre est si féconde en malheurs, l’issue en est si peu certaine et les suites en sont si ruineuses pour un pays, que les souverains ne sauraient assez réfléchir avant que de l’entreprendre. » Cet extrait de l’anti-Machiavel, écrit en 1740 par le jeune Frédéric II de Prusse, ne perd rien de son actualité. Le vingtième siècle pourrait s’y reconnaître, tant par l’exactitude de la description que par l’hypocrisie du propos. L’invasion de la Silésie, la paix séparée de Breslau, puis le partage de la Pologne démentiront ces vertueuses proclamations inspirées par Voltaire au jeune souverain.
Notre époque, héritière supposée du siècle des lumières, laissera sans doute à l’histoire au moins une démonstration : l’essor vertigineux des techniques ne modère ni l’obscurantisme ni la violence. Il propage et renforce les moyens de destruction, qu’il met à leur service. La diffusion du rationalisme scientifique ne tempère pas l’idéologie : elle peut aussi nourrir les scientismes messianiques les plus dangereux de l’histoire de l’humanité. Il n’est pas inutile que des ingénieurs plutôt techniciens méditent sur cet enracinement dans un monde « plein de bruits et de fureurs ».
Qu’on ne s’y trompe pas : chaque société, comme chaque organisme vivant recherche spontanément une expansion indéfinie ; cette recherche est parfois aveugle, ou même contraire aux intérêts réels de ceux qui s’y livrent. Un tel processus appelle à l’évidence une réponse par des moyens pacifiques et, si nécessaires, violents. Mais, cette tâche n’incombe pas en totalité aux seuls combattants professionnels. Une telle responsabilité doit en effet motiver le corps social tout entier. Confronté à un domaine où l’erreur ne pardonne pas, la nation doit mobiliser toutes ses réserves d’expertise ; celles des ingénieurs militaires, ancrées dans les techniques de pointe utiles à la défense, recèlent des potentialités originales. L’ensemble des ingénieurs, de surcroît, peut affiner ses rapports avec l’idée de défense.
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