Réflexions d'ingénieur sur la guerre (II)
Il est relativement aisé de souligner le rôle des évolutions techniques sur la tactique, la stratégie et la géopolitique ; la technique joue même un rôle autonome comme facteur de crédibilité industrielle et scientifique dans les rapports de force. Quelques exemples bien connus peuvent être cités : l’hélicoptère — qui déstabilise les lignes de fronts en les rendant poreuses —, le combat de nuit — qui rompt d’une discontinuité séculaire —, le renouveau de l’artillerie par l’accroissement de la précision, sont en particulier à mettre au crédit de l’influence des techniques sur la tactique.
L’arme nucléaire, éliminant le concept de guerre victorieuse entre grandes puissances, illustre magistralement l’influence de la technique sur la stratégie. Cette influence se déploie même dans le temps de manière continue, au rythme des progrès techniques. L’impact du nombre de missiles, puis de l’accroissement de portée, de l’invulnérabilité des sous-marins ensuite, de la précision des armes, et enfin, l’annonce d’une militarisation de l’espace forment ainsi la trame sous-jacente et continue des rapports de force mondiaux après 1945. On y perçoit en contrepoint et respectivement le couplage nucléaire total des États-Unis et de l’Europe au début de l’Alliance atlantique, la doctrine de la réponse flexible postérieure à 1957, le concept de coexistence pacifique, le débat sur le Centre-Europe autour des euromissiles, celui sur l’obsolescence possible des forces de dissuasion françaises et anglaises. Les aspects psychologiques de l’Initiative de défense stratégique ont par ailleurs été amplement soulignés.
Quant à la géopolitique, elle n’est pas absente du champ d’influence des technologies, tant s’en faut : le problème allemand, au cœur des rapports de force entre l’Est et l’Ouest, s’est cristallisé aussi autour des euromissiles, puis de l’Initiative de défense stratégique. L’interpellation à la hussarde des Européens et surtout de leur industrie pour développer les armes de l’espace n’est pas passée inaperçue : elle montre bien les liens qui se tissent entre la géopolitique militaire et industrielle d’une part, les techniques de pointe d’autre part.
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