Après un article publié dans notre livraison de mars 1986 sur l'attitude des Soviétiques à l'égard des grands thèmes stratégiques actuels, l'auteur, cette fois-ci, démonte les rouages de la désinformation, utilisée par l'URSS comme arme complémentaire et combien efficace : il montre en effet que, par essence, les démocraties sont bien démunies dans leur lutte contre cette forme de guerre.
La désinformation soviétique : méthodes et finalité
Au râtelier des « mesures actives » que l’URSS met en œuvre pour déstabiliser les pays occidentaux, la désinformation tient une place de choix. C’est une arme à part entière de la guerre psychologique, dont les démocraties commencent seulement à démonter les mécanismes les plus vicieux. Que la prise de conscience dans les opinions soit récente, n’a rien d’étonnant : nous abordons là un aspect complexe de l’affrontement idéologique. Et la notion est délicate à cerner, quand bien même les pratiques en seraient connues : les tentacules sont visibles, mais la pieuvre elle-même reste souvent dans l’ombre.
En temps de paix ou de crise, définir le terme n’est pas chose aisée : par essence, la désinformation est multiforme et joue sur des registres très divers (1). Se distinguant de la propagande ou de l’intoxication, qui ont des règles plus simples et des effets plus immédiats ou globaux, cette véritable industrie vise d’abord à affaiblir, discréditer, jeter le doute, faire pression, inciter, omettre, manipuler, tromper et, surtout, altérer (rendre autre) : c’est essentiellement un exercice de travestissement de la réalité, à des fins politiques.
En 1965, la CIA écrivait : « Ce sont des informations fausses, tronquées ou fallacieuses, communiquées, imposées ou confirmées à un individu, un groupe d’individus ou un pays choisis comme cible », tandis qu’un manuel du KGB expliquait en 1980 : « La désinformation stratégique est un instrument utile dans l’exécution de missions au service de l’État, et a pour but de tromper l’ennemi sur les options fondamentales de politique nationale, la conjoncture économique et militaire et les réalisations techniques et scientifiques de l’URSS » (2). Au reste, chaque camp se renvoie la paternité du terme. Nous disons volontiers dezinformatsia (au lieu de mésinformation ou dysinformation, que certains préfèrent), les Soviétiques ayant utilisé ce mot avant guerre (3).
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