L'auteur nous apporte fidèlement informations et réflexions sur les pays de la zone Asie-Pacifique qu'il connaît bien. Il traite des échanges commerciaux mais aussi de la politique de l'Australie, État dont nous percevons et comprenons assez mal les orientations ; il n'hésite pas, d'ailleurs, à parler de quasi-échec dans ses tentatives de s'élever au niveau de grande puissance, malgré un réel potentiel.
Les échanges commerciaux Australie-Asie
Après son accession au poste de Premier ministre d’Australie en mars 1983, Bob Hawke se rend en Thaïlande en novembre suivant, puis effectue une tournée de 18 jours au Japon, en Chine, Corée du Sud, Hong Kong, Malaisie et Singapour en janvier-février 1984 et, en mai 1986, il voyage encore pendant 13 jours au Japon, en Chine et aux Philippines. Ces visites démontrent l’importance que son pays attache à l’Asie dont dépendent plus de 40 % de ses échanges commerciaux. C’est d’abord avec le Japon, à la fin des années 60, que des liens étroits se nouent, celui-ci ayant besoin des ressources minières de l’Australie. Puis, avec le déclin de ces relations, Canberra se tournera vers les nouveaux pays industrialisés (NPI) que sont la Corée du Sud, Taiwan et Hong Kong, mais aussi la Chine et les pays de l’ANSEA (1). Ces rapports économiques sont cependant fragiles et sujets à des fluctuations importantes car ils ne sont pas seulement déterminés par le prix ou la qualité des marchandises, mais aussi par des considérations politiques. Les pressions économiques des États-Unis sur le Japon et la Corée du Sud, la peur provoquée par « l’expansionnisme indonésien », le désir de la Chine de trouver un partenaire à sa mesure dans la région Asie-Pacifique, peuvent modifier ou guider les orientations commerciales. On ne saurait donc pleinement appréhender le courant des échanges dans cette région sans les situer dans leur contexte.
L’Asie du Nord-Est
Grandeur et décadence des « relations spéciales » avec le Japon
Si, au début des années 60, le Japon repose largement sur les États-Unis pour ses approvisionnements en matières premières, en 1965 il passe des contrats pour des achats de charbon et de minerai de fer avec l’Australie. En 1970-1972, il achète aussi de l’uranium pour son énergie électrique mais, l’année suivante, l’Australie essuie son premier revers avec une réduction des importations. Les échanges s’élèvent alors à 1,32 milliard de dollars américains avec un excédent de 460 millions pour l’Australie. En 1974-1975, l’industrie de l’acier au Japon subit un coup d’arrêt dû à la récession mondiale et un changement de cap s’effectue de l’industrie lourde vers la technologie de pointe. En outre, pour éviter la même mauvaise surprise créée par le choc pétrolier dans d’autres domaines, le Japon diversifie ses sources et, alors que précédemment 2/3 de son fer et de son charbon provenaient d’Australie, cette proportion tombe brutalement à 40 %. Pour remédier à ces aléas, en 1975, est conclu d’abord un accord sur le sucre puis, en 1976, un traité d’amitié et de coopération Australie-Japon. Mais en 1979, ce dernier prend à nouveau prétexte de la récession mondiale qui se poursuit pour diminuer encore ses importations tout en réclamant une baisse des prix. Toutefois, les bénéfices australiens atteignent le chiffre énorme de près de 2 milliards de dollars américains.
À partir de 1980, un net refroidissement se fait jour dans les relations commerciales entre les deux pays, qui va aller en s’accentuant. Si, en février 1984, Bob Hawke reçoit un accueil enthousiaste lorsqu’il annonce le prochain don de koalas pour les zoos de Tokyo — qui feront la joie des Japonais à côté des pandas chinois —, par contre les Nippons sont polis mais sans plus lorsque sont abordées les questions économiques. Le Japon qui représentait aussi un important marché pour les produits agricoles et en particulier pour la viande de bœuf, se sépare peu à peu de l’Australie pour se diriger vers les États-Unis qui font d’énormes pressions sur le Premier ministre Nakasone afin de rééquilibrer leur balance commerciale. Le Japon choisit évidemment les États-Unis qui sont un allié militaire et politique fondamental, mais Bob Hawke obtient l’engagement que ces réajustements ne se feront pas aux dépens de Canberra ainsi qu’une augmentation du quota de la viande de bœuf de 9 000 tonnes alors qu’environ 100 000 tonnes ont été livrées cette année-là. En 1985, les Australiens affrontent les connues et savantes tergiversations des Japonais qui mettent fin aux « relations spéciales », le nom de Tokyo devenant même tabou dans les milieux d’affaires, malgré un excédent commercial d’encore 1 356 millions de dollars australiens (8 000 millions d’exportations contre 6 644,5 d’importations). Les Australiens ne croient plus aux promesses japonaises et comprennent que les demandes américaines seront plus fortes que leurs arguments, le prix ou la qualité de leurs produits. En mai 1986, lorsque Bob Hawke arrive au Japon, c’est plus par souci de lutter pour conserver une part du marché de ce pays que pour l’augmenter. Celui-ci est devenu cependant le premier investisseur en 1984-1985, dépassant l’Angleterre, avec 2 175 millions de dollars américains, contre 1 416 pour les États-Unis et 1 403 pour l’Angleterre, le total des investissements étrangers s’élevant à 8 686 millions de dollars.
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