Politique et diplomatie - Imagination et politique étrangère
La parution du troisième tome du « De Gaulle » de Jean Lacouture fait vivre ou revivre au lecteur les cheminements, les oscillations, les succès et les désillusions de la diplomatie gaullienne entre 1958 et 1969 (1). Ce qui émerge du récit perturbe les images, les clichés d’une certaine vulgate. Ce qui domine en définitive, ce n’est pas un modèle, mais bien la volonté, presque désespérée, d’un homme confronté au temps, aux transformations d’une planète dont le cœur n’est plus l’Europe.
D’un côté, le général est hanté par les réalités de la puissance, le poids déterminant des nombres, les ruptures introduites par la technique ; de l’autre, les années désormais comptées accentuent l’urgence du projet — ou du rêve — gaullien : tenter de faire à nouveau de l’Europe, et donc de la France, le moteur du monde, non certes par la force, mais par le mouvement, par l’imagination. Les idées reçues s’en trouvent bousculées : l’anti-Européen se révèle être un Européen malheureux, cherchant en vain à redonner aux vieilles nations du Vieux Continent le sens de leur histoire ; l’anti-Américain apparaît comme un vieil homme conscient de la vigueur des États-Unis, et déçu que les conseils de l’expérience ne soient toujours pas écoutés par la jeunesse (notamment, à propos de l’Indochine) ; le pionnier de la détente est aussi celui de ses ambiguïtés, de ses limites, dès la visite à Moscou en 1966.
Diplomatie, réalités, imagination
Que nous enseigne cette histoire ? Quelques évidences, trop vite escamotées, ou déformées, gauchies par la crainte de rencontrer une réalité éloignée des certitudes que l’on a… D’abord, aucune politique étrangère n’existe en dehors des faits, de leur déchiffrement toujours aléatoire, toujours douloureux. La lecture des faits n’est jamais vraiment sereine pour celui qui agit et veut changer les choses, car il faut analyser les événements, les tendances et en même temps se situer, évaluer la position que l’on occupe. Connaître la force de l’autre implique de savoir mesurer sa propre force, de ne pas oublier ses vulnérabilités, ou parfois de les retourner en atouts. L’actuelle affaire des livraisons d’armes américaines à l’Iran rappelle qu’un système sociopolitique garde certaines réactions, certains rejets.
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