Spécialiste éminent des questions d'outre-Rhin, l'auteur analyse les idées majeures qui se dégagent des dernières élections allemandes. Cet article est fort utile, tout d'abord parce que nous appréhendons souvent assez mal les raisonnements de nos voisins, ensuite parce qu'en l'occurrence, les résultats de ces élections, en particulier la montée certaine du « national-neutralisme », doivent nous inciter à réfléchir sérieusement sur leurs conséquences futures possibles.
Les élections allemandes
Depuis plus d’un an, on pouvait s’interroger sur le devenir de la République fédérale d’Allemagne au lendemain des élections du 25 janvier 1987. Sans doute quelques constantes permettaient d’avoir une idée du résultat : par exemple, depuis 1961 le SPD n’est jamais descendu en dessous de 36 % des suffrages (1961) et n’a jamais dépassé 46 % (1972) ; la CDU, depuis la même date, n’est jamais tombée en deçà de 44,5 % (1980) et n’a jamais dépassé 49 % (1983) ; le FDP varie durant la même période entre 5,8 % (en 1969) et 12,8 % (en 1961) ; quant aux « verts », il est difficile d’en parler étant donné qu’ils n’ont participé qu’à deux scrutins.
Les sondages et les hésitations de l’opinion publique allemande (1)
Bien des éléments entraient naturellement en jeu : les bilans politique et économique du gouvernement, la popularité et la compétence des personnalités au pouvoir, la cohésion de la coalition, enfin le climat général, c’est-à-dire le sentiment de sécurité et de stabilité. La campagne électorale allait, bien sûr, être essentielle. Elle devra convaincre les indécis et changeants qui représentent environ 20 % des électeurs des deux grands partis CDU/CSU et SPD et 60 % de ceux du FDP, ce qui explique la fragilité du parti libéral. Les transferts de voix sont particulièrement importants à l’intérieur du « Mittelstand », la classe moyenne infiniment plus large en RFA qu’en France, puisqu’il intègre les ouvriers qualifiés. Les transferts, pour des raisons simples à comprendre, sont également considérables chez les chômeurs. Enfin, il ne fallait pas négliger le poids des jeunes : près de quatre millions d’entre eux allaient voter pour la première fois.
Le poids des personnalités n’est pas négligeable. Ne l’oublions pas : c’est Adenauer qui gagna les élections de 1949 à 1961. Brandt fut le vainqueur incontesté de celles de 1972, H. Schmidt de celles de 1976 à 1980 comme Kohl de 1983. De même, on peut dire que Strauss fut le grand vaincu des élections de 1980. En 1987, quel allait être l’impact de Johannes Rau, encore peu connu, en dehors de son Land, Rhénanie du Nord-Westphalie, en face de Helmut Kohl, qui manque certainement de charisme, au moins aux yeux des médias, car sa bonhomie solide et tranquille lui valurent des succès incontestables que presse et télévision ont bien du mal à analyser ? Les sondages étaient hésitants ; en décembre 1984, la CDU l’emportait sur le SPD ; elle apparaissait la plus efficace devant un certain nombre de problèmes :
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