Présentation
La richesse des exposés nous a contraints à publier en deux livraisons les actes de cette journée d’étude.
La défense aujourd’hui réunit un ensemble d’actions de tous ordres — militaires, politiques, économiques, etc. — pour garantir en toutes circonstances, selon les termes de l’ordonnance de 1959, l’intégrité du territoire et la vie de la population.
Les problèmes de l’énergie, sous des formes diverses, s’inscrivent dans la conduite de ces actions multiples, mais il n’y a guère plus de 70 ans que la disposition de ressources massives d’énergie est devenue une exigence majeure de la défense d’un pays. C’est la Première Guerre mondiale, en effet, qui a fait apparaître, à la fois l’ampleur des besoins en énergie dans la conduite des opérations et le rôle désormais décisif de la puissance économique et industrielle dans le domaine de la défense.
Les faits du domaine énergétique qui ont frappé les esprits dans les périodes de conflit touchaient en même temps les besoins des armées et ceux de l’économie. Certains États, dépourvus de ressources pétrolières, ont cherché à créer des entreprises industrielles adaptées, ou à établir leur influence dans les régions productrices. La liquéfaction du charbon a été développée par le IIIe Reich en guerre, qui orientait en même temps sa stratégie vers la conquête du Caucase et de son pétrole. Et bien sûr, l’exploitation de l’énergie nucléaire relève du même ordre de préoccupations.
Les 70 dernières années ont précisé et affirmé les liens étroits qui existent désormais entre défense et énergie, et montré que les besoins des armées et de l’économie ont crû à un rythme extrêmement rapide ; cela du moins jusqu’aux années 80. Pour prendre un point de repère relativement proche, la consommation globale d’énergie de notre pays a, je crois, doublé entre 1960 et 1980. Quant à celle rapportée à la population, elle est aujourd’hui de l’ordre de 3,5 tonnes équivalent pétrole (tep) par habitant.
Il est certes possible que les actions vigoureuses entreprises à la suite des chocs pétroliers aient contribué à réduire l’impact de la croissance économique sur l’augmentation de la consommation d’énergie. Mais de toutes façons, les besoins les plus strictement calculés d’un pays comme le nôtre, pour assurer son indépendance et son niveau d’existence, resteront d’une dimension tout autre que celle qui était la sienne il y a quelques décennies. Nous sommes aujourd’hui à peu près à mi-chemin entre le 1er choc pétrolier et la fin du siècle. Derrière nous, un temps suffisant pour mesurer l’efficacité des réactions occidentales à la politique adoptée en 1973 par l’Opep, ou les répercussions de celle-ci sur la vie des pays en voie de développement et non producteurs ; devant nous, un horizon suffisant pour relever de la prévision et pas uniquement de la prospective dans l’étude d’hypothèses diverses.
La prévision demeure cependant délicate au milieu de controverses multiples aisément évoquées : prix du pétrole, cours du dollar, accident de Tchernobyl, etc. Dans cet environnement, vient de se tenir à Cannes, à l’automne dernier, le congrès triennal de la conférence mondiale de l’énergie confrontant des réflexions et informations d’énergéticiens venus de tous les pays du monde : industrialisés à économie de marché ou à économie planifiée, en voie de développement.
Telles sont quelques raisons qui ont conduit le Comité d’études de défense nationale à consacrer cette année sa journée d’étude au sujet « Énergie et défense à l’horizon 2000 ». La Fondation pour les études de défense nationale (FEDN) a bien voulu s’associer à l’organisation de cette journée et je remercie son président, l’amiral Lacoste, d’être présent parmi nous.
Il n’est pas nécessaire de rappeler à un auditoire tel que le vôtre pourquoi les problèmes de l’énergie ne peuvent être traités que dans un cadre mondial. Je précise simplement que notre matinée sera consacrée à une réflexion au niveau du globe : sur les besoins, avec l’exposé de M. Ortoli, puis sur les ressources, avec l’exposé de M. Capron. Les travaux de l’après-midi concerneront les aspects français des problèmes de l’énergie et leurs relations avec la défense. M. Couture, d’abord, parlera des perspectives françaises, puis l’ingénieur général Semeria du thème énergie et défense nationale.
Je remercie les personnalités qui ont bien voulu venir nous faire bénéficier de leur savoir, de leur expérience et de leurs réflexions. Elles sont trop connues pour que je songe à les présenter de façon détaillée et je souhaite seulement évoquer leurs liens avec les problèmes de l’énergie.
M. François-Xavier Ortoli, ancien ministre, et actuellement président-directeur général de Total-CFP, a exercé des fonctions gouvernementales qui lui ont donné la responsabilité directe de la politique énergétique nationale. Il avait été commissaire général au plan et président de la commission consultative pour la production d’électricité d’origine nucléaire et, comme président ou vice-président de la Commission des Communautés européennes, les problèmes de l’énergie au niveau européen ont été de ses responsabilités.
M. Capron, ingénieur en chef des Mines, a été directeur des hydrocarbures avant de devenir administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
M. Couture, ingénieur général des Mines, a été pendant 10 ans secrétaire général de l’Énergie au ministère de l’Industrie après avoir exercé une série de hautes responsabilités dans le domaine du charbon. Président de l’Institut français de l’énergie, il assume aujourd’hui diverses missions dans le secteur nucléaire.
L’ingénieur général de l’armement Semeria participe actuellement, au secrétariat général de la défense nationale, à l’étude d’ensemble des problèmes d’énergie en France.