Politique et diplomatie - Le souverain : le temps
Le temps est bien la dimension à la fois omniprésente et secrète des relations internationales. Pour le politique, il est difficile d’admettre qu’il est soumis à une force qui le dépasse, qu’en deçà du discours et de la décision se déroulent des rythmes qui lui échappent totalement… ou presque : démographie, société, économie. Cependant, ce qui fait le grand politique, c’est bien le sens aigu de la durée et du moment. Qu’il s’agisse de Franklin Roosevelt amenant par étapes les États-Unis dans la guerre mondiale, du général de Gaulle sûr, dès 1940, du caractère global d’un conflit encore européen et asiatique, ou de l’Égyptien Anouar el-Sadate se rendant à Jérusalem en 1977, la démarche est toujours double : ne jamais sous-estimer la force des choses, la maturation des faits, et néanmoins saisir le point de rupture de la nécessité, s’approprier le mouvement des événements.
Mais le temps est un souverain énigmatique. Nul ne sait vraiment ce qu’il apaise et efface, ou ce qu’il irrite et déforme. La mémoire, la manière dont chaque peuple réinterprète, revit sans cesse son passé, n’obéissent à aucune loi, mais au va-et-vient entre le présent et des sentiments cachés. De même l’écho de chacun des gestes accomplis pour modifier l’histoire — reconstruire des nations, réconcilier des peuples, etc. — ne cesse de se transformer.
Pour préciser ces thèmes, il suffit de prendre une perspective de vingt ans, l’écart entre deux générations. Quelles traces, quelles correspondances existe-t-il entre les années 60 et les années 80 ? Trois exemples actuels illustrent ces infléchissements mal perçus du temps : l’évolution de la puissance américaine ; les vingt ans d’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza ; la relation franco-allemande.
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