Rien n’est plus important, aujourd’hui, que la clarification de ce qu’on appelle, d’une expression peu heureuse, le concept de dissuasion nucléaire, et qu’en d’autres temps on aurait baptisé doctrine ou théorie. Ni les États-Unis, ni l’Otan n’ont une doctrine ferme ou plus exactement, s’ils en ont une, ils n’osent pas l’avouer ouvertement. Il n’est pas facile en effet de déclarer que la défense de l’Occident repose sur la menace du génocide, et une stratégie qui n’est pas avouable pose certainement problème. Quoi qu’il en soit, cette absence, réelle ou pratique, de doctrine a rendu l’Otan impuissante face aux initiatives de désarmement de M. Gorbatchev, voire de MM. Reagan et Gorbatchev, attelés tous deux à la même charrette de la dénucléarisation.
Libre opinion - Sur le discours doctrinal
Rien n’est plus important, aujourd’hui, que la clarification de ce qu’on appelle, d’une expression peu heureuse, le concept de dissuasion nucléaire, et qu’en d’autres temps on aurait baptisé doctrine ou théorie. Ni l’Amérique, ni l’Otan n’ont une doctrine ferme ou plus exactement, s’ils en ont une, ils n’osent pas l’avouer ouvertement. Il n’est pas facile en effet de déclarer que la défense de l’Occident repose sur la menace du génocide, et une stratégie qui n’est pas avouable pose certainement problème. Quoi qu’il en soit, cette absence, réelle ou pratique, de doctrine a rendu l’Otan impuissante face aux initiatives de désarmement de M. Gorbatchev, voire de MM. Reagan et Gorbatchev, attelés tous deux à la même charrette de la dénucléarisation.
Rappelons donc qu’il y a depuis les origines, et jusqu’à maintenant, deux façons de voir l’arme nucléaire. La première, qu’on peut schématiser en tout-ou-rien, considère que l’existence de l’arme doit suffire à convaincre les hommes que la guerre est devenue impossible : fin de la stratégie ! La seconde, et c’est elle qui est aujourd’hui en question, observe que, face à un méchant comme l’est (l’était ?) l’Union soviétique, l’excès de la menace fait sa faiblesse et qu’il importe de la faire valoir réapparition d’une certaine stratégie, laquelle ne vise — ou ne devrait viser — qu’à persuader l’agresseur potentiel que, quoi qu’il tente, si petitement qu’il agisse militairement, l’enchaînement fatal se produira. Les corps de bataille à l’ancienne que l’on maintient en dépit de la bombe, les stratégies antiforces, les missiles de portées diverses et pour finir l’arme nucléaire tactique sont les outils de cette curieuse manœuvre. On conçoit que, pour menacer de façon « crédible », au profit de l’Europe dont l’océan la sépare, l’Amérique ait besoin de plus de moyens, d’une échelle d’escalade plus longue que celle de la France laquelle, jusqu’à maintenant, menace au profit du sanctuaire national. Mais devant le perfectionnement, l’accumulation, la diversification des armes, l’intention initiale dissuasive se perd, on ne sait plus si l’on prépare la guerre ou si on veut la prévenir, bref la bombe est devenue trop opérationnelle. Rien ne montre mieux cette perte de sens, ce défaut de perception, que les débats sur les euromissiles d’une part, sur l’armement nucléaire tactique de l’autre.
Il est maintenant clair que le déploiement des euromissiles américains pouvait être interprété de deux manières : une ancienne — et périmée — qui est l’équilibre des forces, et on se réjouira avec M. Shultz ou le président Giscard d’Estaing d’un accord où les Soviétiques renoncent à beaucoup plus d’armes que les Américains ; une manière dissuasivement correcte, selon laquelle les Pershing et missiles de croisière étant moyen de couplage des États-Unis et de l’Europe, leur disparition est regrettable.
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