Les auteurs analysent l’évolution des relations des États-Unis et de l’URSS avec les deux belligérants du Golfe, et tentent de discerner les buts recherchés par les deux superpuissances à travers des actions parfois ambiguës. Ce texte complète bien celui de Paul Chardin sur le conflit Iran-Irak publié dans notre livraison du mois d’octobre.
Les superpuissances et la guerre du Golfe : stratégies et enjeux
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la compétition entre les deux grandes puissances est extrêmement serrée, mais avec la coexistence pacifique, et tout en poursuivant leur lutte, celles-ci se neutralisent en quelque sorte en essayant de respecter les règles qui régissent l’équilibre des forces. Cependant, la confrontation demeure ardue dans certaines régions, comme l’Afrique et le Moyen-Orient, qui attirent leur convoitise. Ce dernier notamment, en raison de ses nombreuses richesses naturelles et de sa situation géopolitique, représente un enjeu important et fait l’objet de nombreux conflits, tels celui qui oppose Israël aux pays arabes ou encore la guerre entre l’Iran et l’Irak. Celle-ci prend une dimension particulière à cause du Golfe. Afin de faire une meilleure évaluation de la situation, il convient d’analyser les rapports des États-Unis et de l’Union Soviétique avec chacun des belligérants pour essayer de dégager les objectifs poursuivis par l’un et l’autre dans le cadre de ce conflit.
Politique soviétique à l’égard de la région du Golfe
L’URSS a toujours eu de grandes ambitions au Moyen-Orient. En cela, la politique soviétique actuelle n’innove en rien : elle ne fait que poursuivre celle de la Russie tsariste qui avait des ambitions tout aussi grandes dans la région. En fait, selon l’historien Robert Kerner, les politiques expansionnistes de Moscou s’expliquent par la recherche constante d’une ouverture vers les mers chaudes (1). Pour atteindre cet objectif, la Russie se lance dans de nombreuses guerres, tout d’abord contre l’Empire ottoman afin de s’assurer un droit de passage par les Détroits en Méditerranée, ensuite, contre l’Iran en vue d’atteindre le golfe Arabo-Persique. Mais l’Empire tsariste n’est pas seul à s’intéresser à ce pays ; la Grande-Bretagne a également des prétentions sur la région. Aussi, les deux puissances européennes se livrent-elles, en Iran, une lutte d’influence acharnée qui les conduit, en 1907, à signer l’accord anglo-russe par lequel, sans consultation préalable du gouvernement iranien, elles se partagent le pays. Le nouveau régime en place à Moscou en 1917 prétend abandonner tous les privilèges spéciaux dont le gouvernement tsariste avait jusque-là joui en Iran et renoncer à l’accord de 1907. Mais les révoltes dans le Gilan et l’Azerbaïdjan, l’intervention britannique dans le nord du pays pour soutenir les Russes blancs, et les impératifs commerciaux du nouveau régime en proie à des difficultés économiques (2) constituent autant de prétextes pour intervenir en Iran. Après le départ des Britanniques, l’Union Soviétique signe avec celui-ci, en 1921, un traité d’amitié qui, essentiellement, lui assure l’accès aux pêcheries de la mer Caspienne et lui reconnaît, par l’article 6, le droit d’intervenir militairement si un pays tiers utilise ce territoire pour la menacer. À la faveur de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS et la Grande-Bretagne, alliées par la force des choses, envahissent, en 1941, ce pays, occupant respectivement le Nord et le Sud. Ce n’est qu’en mai 1946 que, sous la pression des États-Unis, les troupes soviétiques quittent l’Iran. Le pays bascule alors dans le camp américain, notamment après la signature de l’accord américano-iranien d’octobre 1947.
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