Constater que nous vivons une période d’intense mutation relève désormais du truisme. Pourtant aucune période de l’histoire de l’humanité ne connut de bouleversements aussi considérables de nos possibilités d’existence que ceux que nous connaissons. Les grands-parents des hommes d’âge mûr de ma génération connurent l’ère de la diligence, de la lampe à pétrole et de la marine à voile, sans que pour autant nous soyons d’un âge tel que l’on puisse songer à nous mettre au musée de l’Homme. S’il est donc courant de tenir cette accélération brutale de l’évolution pour une donnée connue et trop banale pour que l’on s’y arrête à nouveau, il serait toutefois dangereux, redoutablement dangereux, d’en négliger les conséquences car rien n’indique que le rythme du changement doive se ralentir.

Cette obligation concerne plus particulièrement ceux qui ont la responsabilité d’assumer l’avenir, c’est-à-dire la génération montante. L’inquiétante inconnue du destin pèse sur elle, bien plus que sur les générations précédentes. Il serait insensé de prétendre le lui prédire, nul ne le connaît ; il est par contre possible de lui proposer quelques réflexions sur les tendances qui s’y manifesteront vraisemblablement. Tel est l’objet de ces propos.

L’esprit de discernement

Constatons d’abord, bien que cela ne date pas d’aujourd’hui, que la formation reçue ne peut en aucun cas être suffisante. Quelle que soit, en effet, la qualité d’un enseignement, à lui seul il ne peut suffire pour permettre d’affronter le destin. Certes, l’acquisition de connaissances est indispensable, car il serait stupide d’imaginer qu’il soit possible de tout inventer, mais si son actualisation permanente est une nécessité, ce qui était déjà le fait du passé, il importe désormais d’y adjoindre un effort d’imagination créatrice, d’anticipation, indispensable pour que l’action à venir ne soit pas dépassée par le mouvement de l’évolution. Cela mérite explication.