Présentation
Pourquoi ce colloque ? La réponse est simple : il est naturel que le Comité d’études de défense nationale ait décidé de célébrer le 40e anniversaire du Pacte de l’Atlantique Nord, à l’occasion de sa journée d’études annuelle.
Dans l’histoire du monde, peu de traités d’alliance ont aussi bien résisté à l’épreuve du temps, et atteint l’objectif qu’ils visaient : maintenir la paix dans la principale région du monde, en sauvegardant la liberté des nations alliées. L’Europe, toute l’Europe, doit à ce traité une longue paix, la plus longue qu’elle ait connue depuis des siècles. Elle en avait grand besoin après deux terribles guerres.
Cette commémoration n’aurait guère de sens si elle n’était l’occasion pour chacun — et spécialement pour les responsables politiques et militaires — d’une réflexion sur le passé et sur l’avenir de l’Alliance.
Depuis quarante ans, le monde a connu d’énormes changements. Si la composition des camps opposés n’a pas varié, quelle évolution à l’intérieur de chacun !
En URSS, M. Gorbatchev a l’ambition de rendre plus dynamique et plus efficace le régime sans en renier les principes. Pour y parvenir, il prend, en politique intérieure et en politique extérieure, des initiatives auxquelles l’Alliance doit répondre, par exemple en matière de désarmement, sujet toujours très sensible à l’opinion publique.
Chez les satellites, des craquements se font entendre : en Pologne, en Hongrie et ailleurs, le marxisme devient un modèle contesté.
À l’Ouest, la croissance économique, malgré les accidents et les récessions plus ou moins durables, a été plus rapide pendant les quarante dernières années que durant toute période comparable de notre histoire. Les pays européens, membres de l’Alliance, ont presque tous formé entre eux une communauté économique dans laquelle l’Allemagne de l’Ouest est devenue une des grandes puissances économiques mondiales. En même temps, sa situation géographique et son désir naturel de réunification la poussent à rechercher de nouveaux accords avec l’Est.
Quant au Japon, ses progrès ont été foudroyants, au point d’en faire, partout dans le monde, le principal concurrent de l’Occident.
Il était inévitable que la croissance économique fondée sur les progrès scientifiques et techniques eût, sur les armements donc sur la tactique et parfois même sur la stratégie, des effets imprévisibles au moment où fut signé le traité de l’Atlantique Nord. En 1950, les armes de toute nature et de tous pays étaient encore celles de la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, dans les armées des pays développés et quelquefois dans les autres, les systèmes d’armes terrestres, maritimes, aériens, ont atteint un degré de puissance, de précision, de sophistication technique, mais de relative simplicité de mise en œuvre et aussi un niveau de prix tels qu’aucune comparaison valable avec le passé n’est significative, ni en ce qui concerne la production de ces systèmes d’armes, ni pour ce qui est de leur emploi.
Ces bouleversements ne pouvaient manquer de faire sentir leurs effets sur l’organisation de l’Alliance ; dès 1965, la France en a tiré les conséquences. Mais dans tous les pays, la pensée des politiques et des militaires s’y est attachée et les opinions publiques ont été sensibilisées.
Je prendrai pour exemples quelques sujets qui reviennent périodiquement en discussion :
Comment adapter l’Alliance ? Faut-il construire un pilier européen ? Les soldats américains quitteront-ils l’Europe ?
Le désarmement nucléaire a commencé par la suppression des armes à moyenne portée ; doit-on continuer, et quand, avec les armes nucléaires à courte portée ?
On parle depuis quinze ans du désarmement classique : effectifs, chars, canons, avions, navires de guerre, armes chimiques. Comment le réaliser sans mettre en péril la sécurité des uns et des autres ?
Notre journée d’études n’a pas la prétention de répondre à toutes les questions ni même de les aborder toutes, mais seulement, sur la base d’exposés présentés par des spécialistes très qualifiés, de provoquer des échanges de vues que nous souhaitons utiles.
NDLR : l’ensemble des actes de ce colloque a été réparti entre les livraisons du 1er juillet et du 1er août.