Mise au point - De la neutralité de la Finlande
L’auteur de l’article « Neutralité et défense de l’Europe » paru dans le numéro de mai a abordé avec beaucoup d’aisance un sujet passionnant. Il a suscité l’intérêt manifeste de nombreux lecteurs, mais aussi entraîné la réprobation des officiers qui ont une bonne connaissance de la Finlande et de la politique de neutralité qui la caractérise. Ces manifestations auprès de l’état-major des armées ont convaincu de la nécessité de publier cette mise au point qui fait justice d’une approche estimée trop partiale.
Cette jeune nation a trouvé son identité à travers une histoire tourmentée, objet des convoitises successives de l’Allemagne et de l’URSS. C’est ainsi que les Finlandais ont été portés aux nues par l’Occident en 1939-1940 pour leur résistance héroïque à l’avancée de l’Armée rouge, vilipendés ensuite pour avoir poursuivi leur combat face au même envahisseur, puis méprisés pour n’avoir pas su écouter l’Occident qui conseillait la confiance à Staline !
Aujourd’hui encore, le traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle signé en 1948 avec l’URSS, alimente tous les soupçons. Souvenons-nous des conditions dans lesquelles il fut signé ; dans les premiers mois de 1948, Staline constatait que la Finlande était le seul voisin européen avec lequel l’URSS n’avait pas encore signé de pacte de défense. Il demandait donc la conclusion d’un traité d’assistance mutuelle semblable aux accords récemment conclus avec la Hongrie et la Roumanie. Pour mémoire, les communistes venaient de prendre le pouvoir en Tchécoslovaquie.
De ce piège, la Finlande s’est tirée au mieux et peut se féliciter aujourd’hui des termes de cet accord de bon voisinage. Le pays a préservé son indépendance au prix, il est vrai, d’une grande réserve au plan international. Mais il doit à cette attitude de neutralité farouche et sourcilleuse sa survie dans la dignité.
En évitant de défier la sécurité ou le prestige de l’imposant voisin soviétique et en exprimant sa forte détermination, la Finlande a sauvé l’essentiel. Elle a bâti un système économique très libéral et largement développé sa richesse tout en maintenant des relations équilibrées entre les deux blocs. Elle a conservé une identité culturelle totalement tournée vers l’Occident (1 % seulement des étudiants apprennent le russe contre 80 % l’anglais). Enfin et surtout, elle a établi un système politique qui garantit à l’individu sa totale liberté d’expression et de conviction, contrastant avec celle des États baltes voisins.
Il faut aujourd’hui rendre justice à ce pays et à sa population qui bien souvent s’est arc-boutée, luttant farouchement contre les plus forts courants pour défendre sa liberté, son indépendance et son existence même. La neutralité a souvent pu passer pour de la faiblesse, elle a été en ce cas preuve de courage et digne de notre estime