Politique et diplomatie - Vers un ordre économique mondial ?
En cette année 1990, si les bouleversements européens et soviétiques restent sur le devant de la scène, ils se trouvent déjà pris dans des mouvements plus vastes. Le dégel de l’Est n’est que l’une des composantes d’un mouvement planétaire, éclatant en Asie, en Amérique latine et aussi en Afrique, et s’esquissant au Proche-Orient. Les peuples rejettent les modèles, les partis détenteurs de vérités, les chefs infaillibles ; la démocratie libérale, parce qu’elle est imparfaite, se présente comme le moins mauvais des régimes. Les ébranlements de 1989-1990 confirment l’unité de la Terre. Jamais sans doute, dans l’histoire, une onde de choc sociale, politique ne s’est propagée aussi vite, contraignant toutes les structures autoritaires soit à s’écrouler, soit à rechercher un compromis avec le pluralisme. Certes la Chine, le Vietnam ou Cuba tiennent encore ; mais ce sont des forteresses assiégées et surtout minées de l’intérieur.
Pour l’Occident d’abord, la décomposition du camp soviétique, la sortie de nombreux pays du Sud de leurs expériences autarciques annoncent la formation chaotique d’un système économique authentiquement mondial, dans lequel la compétition non seulement se déroule entre nations développées (Amérique du Nord, Europe occidentale, Japon), mais encore implique de nouveaux rivaux, de nouveaux partenaires. L’enjeu technico-économique est central. Les conditions, les modalités d’insertion des pays de l’Est et du Sud dans les échanges internationaux — commerciaux, financiers, scientifiques, humains… — pèseront très lourd dans la définition de cet ordre adapté à l’unification matérielle de la Terre.
Dans les années 70, le Sud a réclamé un nouvel ordre économique international, fondé sur une reconnaissance des inégalités et la mise en place de mécanismes les faisant disparaître. Cette revendication globale, universelle, a tourné court. Pouvait-il en être autrement ? Ainsi, cet ordre devait-il reposer sur la richesse et la puissance qu’apportent les matières premières (pétrole, mais aussi produits tropicaux…), exportées par des pays du Tiers Monde ; or, comme le montre le pétrole, ces atouts se sont révélés précaires, illusoires, dans un univers où les seules vraies ressources sont le travail, l’innovation, le savoir. En ces années 90, les inégalités se sont déplacées, elles partagent le Sud lui-même entre une minorité ayant assimilé la leçon et des masses échouées au bord du développement. Le paysage économique mondial se redessine radicalement non en fonction des rhétoriques, mais sous la pression d’une course frénétique, brutale et bien sûr inéquitable à l’industrialisation. Celle-ci fit la suprématie de l’Occident. Aujourd’hui, du fait, en particulier, de l’explosion de la démographie, tous les pays en mesure d’accéder à la technique sont bien convaincus qu’elle offre la seule voie pour les libérer de la pauvreté et conquérir une place au soleil.
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