Les États-Unis et la crise irakienne
L’attaque du Koweït par l’Irak le 2 août 1990 a suscité une réprobation universelle. L’invasion et l’annexion d’un État membre des Nations unies ne sauraient en effet être tolérées par la communauté internationale, comme le rappelait le Conseil de sécurité de l’Onu lors du vote à l’unanimité de la résolution 662, le 9 août dernier.
Au-delà des condamnations des premiers jours, la crise ouverte à la suite de l’agression irakienne va surprendre par son ampleur, alors qu’en Occident on commençait, avec la fin de la guerre froide, à débattre ici et là des dividendes de la paix. Quelques semaines auront suffi pour préparer, dans le golfe Arabo-Persique, les conditions d’un affrontement militaire significatif. Il n’aura fallu que dix semaines pour que, face aux quelque 350 000 soldats irakiens qui campent au Koweït et le long de la frontière avec l’Arabie Saoudite, un nombre équivalent d’hommes, dont une majorité d’Américains, soit dépêché dans la péninsule arabique par 25 nations différentes.
L’espace géographique qui s’étend de la Méditerranée orientale aux confins iraniens est désormais l’un des seuls endroits à très haut risque belligène qui subsiste avec la fin de l’affrontement Est-Ouest. Il faut dire que cette zone suscite de nombreux appétits liés aux ressources énergétiques qui s’y trouvent ; elle recèle de dangereux déséquilibres internes avec l’opulence la plus insolente qui côtoie la misère la plus extrême ; elle demeure agitée par des conflits aux origines séculaires entre Arabes et Perses, Juifs et Arabes. Pour en terminer avec ce sombre diagnostic, ajoutons que cette zone est tout simplement explosive car l’islam militant, porté par une expansion démographique très forte des pays dans lequel il règne, n’a pas encore trouvé un fédérateur, et aux yeux des masses arabes Saddam Hussein en est l’archétype. Cette seule perspective, si elle était un jour réalisée, est une menace d’autant plus inquiétante que l’Irak, ainsi que d’autres États de cette région, sont à l’aube, si rien n’est fait pour les en dissuader ou les arrêter, de posséder un arsenal nucléaire et des fusées balistiques. C’est en substance ce que soulignait Paul Wolfowitz, Assistant Secretary of Defense for Policy, lors d’une interview à CNN le 16 août 1990 : « Il est beaucoup plus intéressant d’avoir affaire à lui (Saddam Hussein) maintenant qu’il est relativement faible et que le monde est avec nous, plutôt que d’attendre 5 ans lorsqu’il possédera des armes nucléaires et pourra intimider l’ensemble du monde arabe, et qu’il aura pu prendre une partie des réserves de pétrole ».
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