L'auteur, dont les compétences en stratégie sont universellement reconnues, a rédigé une synthèse des remarques que lui a suggérées l’utilisation des Scud et des Patriot dans la guerre du Golfe.
La guerre du Golfe : missiles et antimissiles
Les interceptions réussies des antimissiles Patriot ont surpris les spécialistes et frappé l’opinion. À juste titre. C’est, en effet, la première fois qu’au cours d’opérations de guerre — et non d’essais expérimentaux soigneusement préparés — qu’un missile en détruit un autre sur sa trajectoire. Il serait aventureux, et même déplacé, de vouloir dégager un enseignement quelconque des premières semaines de combat. Cependant, l’analyse des faits rapportés par les communiqués et les médias permet deux remarques.
Non seulement les belligérants ont eu recours à des méthodes et à des tactiques de guerre éprouvées, mais des matériels déjà anciens tels les Jaguar français — lors de leurs attaques diurnes — et les B 52 américains — appareils plus âgés que leurs équipages — ont répondu à l’attente du commandement. En revanche, il s’est trouvé que la supériorité technique tant vantée, permettant par exemple l’attaque aérienne nocturne des matériels terrestres de l’adversaire, au radar et à l’infrarouge, a fait le jeu des Irakiens, les leurres ayant été pris pour des objectifs réels. C’est qu’à la destruction, sinon à l’acquisition des cibles, il a été difficile, voire impossible, de faire la part entre la mise hors de combat d’un char ou d’un avion et celle d’une baudruche simulant l’un ou l’autre de ces matériels, les échos (du radar) et l’image (en infrarouge) ne se révélant pas assez précis. Si bien qu’après avoir annoncé la destruction de la quasi-totalité de l’aviation irakienne, il a fallu admettre qu’au contraire, c’était la quasi-totalité de cette aviation qui était indemne.
Autre remarque, c’est encore un matériel déjà ancien, l’intercepteur Patriot conçu il y a un quart de siècle — certes, progressivement transformé depuis — qui a joué un rôle déterminant dans la guerre du Golfe, en permettant à Israël de se tenir hors du conflit. Le taux des interceptions réussies a été étonnamment élevé. La preuve a été faite que les missiles à courte portée n’étaient pas imparables et que, pour reprendre une expression simplificatrice, mais imagée, « un obus pouvait en intercepter un autre sur sa trajectoire ». De là à écrire que l’arme antimissiles existe et que les moyens de la défense l’emportent maintenant sur ceux de l’attaque, il y a un pas qu’il faut se garder de franchir, du moins si l’on se réfère aux résultats obtenus lors du duel Scud-Patriot.
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