En janvier 1988, l'auteur nous avait déjà fait une synthèse très complète de l'islam en Tunisie ; il concluait par son espoir de voir la mise en place de réformes permettant l'instauration d'un islam équilibré respectant coutumes et modernité. Trois ans plus tard, il fait le point de la situation : de nombreux événements se sont produits, des institutions souhaitables ont été créées ou réactivées ; dans ces conditions, le « peuple tunisien, féru d'esprit critique », ne devrait pas être séduit par un extrémisme islamiste.
Tunisie et islam
Dès son accession à l’indépendance, le 20 mars 1956, la Tunisie s’est placée au premier rang des États arabes soucieux de l’évolution sociale du peuple musulman ; avant même d’accéder à la présidence de la jeune république, M. Habib Bourguiba, le « combattant suprême », faisait adopter une loi de statut personnel demeurée encore sans équivalent dans le monde musulman, éliminant la polygamie et la faculté maritale de répudiation, et ouvrant aux deux époux égal accès au divorce. Et s’il est vrai que, quelques mois plus tard, il ne réussissait pas à faire accepter une conception plus libérale de l’obligation de jeûne durant le mois de ramadan, du moins consolidait-il, dans sa capitale, une coutume tolérante quant à l’exploitation des restaurants et cafés. Cependant, durant les dernières années d’exercice de son mandat présidentiel, il n’avait pu faire face qu’à grand-peine, et au prix d’un raidissement gros de risques, à l’essor d’un mouvement intégriste, dit de « la tendance islamique ».
Tout au contraire, le général Zine al Abidine ben Ali, dès qu’il prit en mains, le 7 novembre 1987, les destinées de l’État tunisien, multiplia les mesures de clémence. Il rendait peu à peu leur liberté à tous les citoyens que le Mouvement de la tendance islamique avait compromis dans ses activités de propagande et d’action. Mais il dut bientôt reconnaître qu’un multipartisme authentique ne s’instaurait pas aisément en Tunisie, et que dans ces conditions le développement de l’islamisme politique risquait de mettre obstacle à l’évolution vers la démocratie, voire même de devenir un danger pour la stabilité des institutions.
Naissance de la Nahda et réactions du pouvoir
Lorsque au printemps 1989 le président Ben Ali décide de renouveler le Parlement, en même temps qu’il remet son mandat en jeu, il prend donc soin d’interdire aux formations politiques d’arborer des dénominations religieuses.
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