Singapour fait partie à la fois de la très officielle Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) et, dans l'esprit de tous, des « dragons » de la mer de Chine, ces États qui, en peu de temps et grâce aux qualités de leurs habitants, ont su devenir riches. Bien évidemment, toute situation est fluctuante et Singapour n'échappe pas à certaines difficultés. L'auteur, avec sa précision habituelle, fait le bilan et évoque l'avenir de cette ville État.
Singapour : la fin d'une époque
Singapour (la ville du lion) évolue. Le départ du Premier ministre Lee Kuan Yew, en novembre 1990, est un symbole de ces changements inévitables dans une Asie du Sud-Est en pleine transformation. La nouvelle équipe au pouvoir, dirigée par le nouveau Premier ministre Goh Chok Tong, se trouve ainsi confrontée à un avenir, non pas difficile, mais qui exigera beaucoup d’idées nouvelles et de capacités d’adaptation. À l’extérieur, Singapour n’est plus le phare, petit mais inondant toute la région de sa richesse. Ses partenaires de l’Ansea (1), comme l’Indonésie, la Malaysia et la Thaïlande, à leur tour sortent du lot. Au nord, la Corée du Sud et Taiwan impressionnent encore plus par leur remarquable mutation économique. À l’intérieur, la population rechigne, comme le démontre l’échec des élections du 31 août 1991. Singapour, pour vaincre le futur, planifie déjà très loin dans le XXIe siècle, cherchant de nouvelles voies, comme la constitution du « triangle de croissance » avec la Malaysia et l’Indonésie, et abandonne l’idée d’être un guide politique afin de se consacrer plus à sa vocation de centre pour les industries et banques du monde entier.
L’économie : vers une vitesse de croisière
En 1985, après une étonnante ascension économique qui fait l’envie de tous ses voisins (2), brusquement, c’est la récession avec un taux de croissance (TC) négatif de – 1,8 %. Cependant, paradoxalement, 1985 est aussi l’année du triomphe de Singapour dont le revenu annuel par tête atteint 7 420 dollars, ce qui lui permet, pour la première fois, de dépasser un pays du bloc occidental, la Nouvelle-Zélande, dont le revenu par habitant est de 7 310 dollars. Puis, la crise ne se révèle pas aussi grave qu’elle a paru au premier abord ; la principale raison en est justement les revenus élevés, qui découragent les investisseurs étrangers. Le remède est simple, et comme pour les autres pays de l’Ansea qui traversent la même crise (3), inspiré du thatchérisme : blocage des salaires, réduction des dépenses sociales et diminution des impôts aussi bien sur le revenu que sur le profit des entreprises. Ensuite, il faut encourager le retour des investissements étrangers, mais dans les secteurs de pointe, comme l’électronique ou l’industrie pétrolière, où le besoin de techniciens à salaires élevés est important, tout en décourageant l’implantation d’usines fabriquant des produits manufacturés qui emploient un grand nombre de salariés mais avec de bas salaires.
Dès 1986, les résultats de cette nouvelle stratégie se font sentir. Le TC remonte à 1,9 % alors que les Singapouriens bénéficient d’une inflation négative de – 1,4 %. En 1987, c’est une complète reprise avec un TC de 8,8 % (inflation de 0,5 %), et en 1988, le triomphe avec un TC de 11 % contre une inflation de 1,5 %. Mais il est impossible de se maintenir sur de si hauts sommets, ce triomphe étant dû principalement aux investissements étrangers (4). Singapour doit avoir sa propre politique économique, être un promoteur et non plus seulement un réceptacle de l’argent des autres. Si en 1989 le TC est de 9,2 %, l’inflation commence à peser avec 2,2 %, pour passer à 2,5 % en 1990 contre un TC déjà en diminution mais encore de 8,3 %. En 1991, il est prévu un TC de 7 % contre 3,7 % d’inflation et un revenu par tête de 11 810 dollars.
Il reste 87 % de l'article à lire
Plan de l'article