Cet article est la synthèse des principaux résultats d'une recherche effectuée en 1991 par une équipe du laboratoire d'économie et de sociologie des organisations de défense (Lesod) de l'université Paris IX Dauphine. Ces enseignements rétrospectifs sur nos lois de programmation militaire sont particulièrement intéressants et battent en brèche quelques idées reçues.
La portée économique des lois de programmation militaire
Au moment où une nouvelle loi de programmation militaire se trouve en préparation, un regard rétrospectif embrassant l’ensemble de l’expérience française en cette matière n’est pas inutile, afin d’en tirer quelques enseignements permettant d’éclairer les choix présents. Sept lois de programmation ont jusqu’à ce jour déjà été votées par le Parlement français, couvrant au total une période de plus de trente ans. Par-delà les différences de leurs contenus, de leurs durées et des méthodes qui ont présidé à leur élaboration, elles offrent aujourd’hui un échantillon suffisamment représentatif pour faire l’objet d’une évaluation sereine. Cet examen critique peut être entrepris de différents points de vue, en raison même de la pluralité des fonctions assignées à cette programmation. On se contentera de ne retenir dans cet article que celui de l’économie. C’est donc à l’intérieur de cette option délibérément limitée que l’on se propose d’analyser successivement : l’incidence des lois de programmation sur l’évolution du budget de la défense en France et, plus particulièrement, de sa partie consacrée à l’équipement ; la nature des relations entre cette programmation militaire et l’évolution de l’économie française ; le rôle joué par cette procédure dans les décisions industrielles relatives à l’armement.
Lacunes d’information et traitement des données disponibles
Le champ couvert par les différentes lois n’est pas le même. Les deux premières d’entre elles (1960-1964 ; 1965-1970) ne portaient pas sur tous les programmes d’équipement. La quatrième et la cinquième (1977-1982 ; 1984-1988), en revanche, embrassaient l’ensemble des dépenses d’équipement (Titres V et VI) et de fonctionnement (Titre III). De plus, ce n’est qu’à partir de la troisième loi de programmation que les évaluations ont été effectuées en crédits de paiement et pas seulement en autorisations de programme. Enfin, les cinq premières lois ont été calculées en francs courants, sur la base d’hypothèses relatives à l’évolution du niveau général des prix pendant la période envisagée, seule la sixième a donné lieu à une tentative d’estimation en francs constants. À ces différences majeures, s’ajoutent des discontinuités dans les périodes d’application de ces lois et des transformations dans la définition des sections entre lesquelles les crédits sont ventilés (1).
Pour prendre la mesure économique complète du système français de programmation militaire à la lumière de l’expérience de ces trente dernières années, il aurait fallu pouvoir reconstituer statistiquement le circuit complet allant des prévisions chiffrées des crédits contenus dans ces lois jusqu’à leur utilisation finale par les groupes industriels ayant participé à la réalisation des programmes d’armement. Cet objectif s’est révélé hors d’atteinte en raison des difficultés statistiques rencontrées dans les tentatives effectuées pour articuler les sources budgétaires aux données statistiques industrielles. C’est pourquoi on s’est contenté de suivre le cycle budgétaire de la programmation militaire, depuis les intentions formulées dans les différentes lois jusqu’à leurs traductions effectives dans l’exécution des budgets annuels (Tableau I).
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