En 1991, tirant les leçons de la guerre du Golfe, le ministre de la Défense, M. Pierre Joxe, avait centré sur le renseignement son allocution devant les auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) ; nous en avions d’ailleurs publié le texte dans notre numéro de juillet. L'auteur, au moment où il quitte le commandement de l’École interarmées du renseignement et des études linguistiques (Eirel), nous faire part de ses réflexions sur cette activité, souvent dépréciée à nos yeux, essentielle pourtant, ce qu’ont compris depuis longtemps certains pays étrangers.
Pour une culture du renseignement
« Le défi, dans notre pays, est peut-être d’abord culturel », constatait M. Pierre Joxe dans le discours consacré au renseignement qu’il prononçait en mai 1991 devant les auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale ; à cette occasion, il soulignait les faiblesses de notre système de renseignement lors de la guerre du Golfe, faiblesses qui en avaient affecté les différents étages et un certain nombre de domaines.
Un défi culturel ? Il est vrai qu’à l’inverse des sociétés britannique et japonaise, le renseignement n’appartient pas à notre « culture » prise au sens d’« ensemble des connaissances, des structures et des pratiques caractéristiques d’une société ». Pourtant, n’est-il pas, aujourd’hui comme jamais, un impératif catégorique de l’action ? Sa nature, en effet, est éternelle ; il prévoit, précède, accompagne, succède à l’événement en un cycle sans fin ; son champ d’application est universel : en ces temps de guerre économique, il concerne autant l’entreprise que la défense ou la police, les groupes que les unions ou les États ; son organisation est systémique : l’alliance homme-technologie n’y peut être efficace que dans une conception intégrée des objectifs à long terme, des moyens et des structures. Ainsi, envisagé dans le temps, l’espace et le fonctionnement, le renseignement dépasse-t-il singulièrement le niveau subalterne et l’image glauque que lui confère chez nous la conscience collective.
Un défi donc, d’autant que cette interrogation essentielle vient à son heure : notre fin de millénaire voit s’écrouler par pans entiers nos certitudes, et nos grilles d’analyse devenir obsolètes, alors qu’il faudrait tout savoir, sur tout et en temps opportun. Nous sommes ainsi contraints à réviser notre système de référence et à voir autrement le « nouveau monde qui vient », gros d’espoir mais lourd de risques, afin de le comprendre et d’y trouver notre place.
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