Politique et diplomatie - Le système commercial multilatéral est-il condamné ?
Le système commercial multilatéral s’inscrit dans la vision américaine de l’ordre international, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Pour les États-Unis, raisonnant à partir de la crise des années 30 et de ses conséquences, la paix doit s’enraciner dans le développement des échanges et l’ouverture des frontières. Les États-Unis avancent même un projet très ambitieux, qui sera finalement enterré : la charte de La Havane (24 mars 1948) qui doit fonder, parallèlement au Fonds monétaire international (accords de Bretton Woods, 22 juillet 1944), une Organisation internationale du commerce. Finalement il n’y a qu’une structure provisoire, mais toujours en fonctionnement : le Gatt (30 octobre 1947).
En ces années 90, les batailles sur l’agriculture, l’acier, les télécommunications, l’automobile représentent autant de signes parmi beaucoup d’autres d’une crise historique du multilatéralisme. Celui-ci, en imposant aux États participants des règles libérales, serait en fait tourné, manipulé par ceux qui, profitant du dispositif pour leurs exportations, protégeraient leur marché national. Ici, le grand accusé est le Japon, attaquant des secteurs clés des États-Unis et de l’Europe occidentale (électronique, automobile), et en même temps demeurant peu pénétrable en raison de ses structures économiques, sociales, culturelles (par exemple, liens entre grandes entreprises et commerce de détail). Alors le multilatéralisme est-il condamné ?
Un système pris au piège de son succès
Le Gatt et plus largement le système commercial multilatéral ont remarquablement réussi. D’abord, depuis la fin de la guerre, échanges et croissance se soutiennent mutuellement. L’expansion du commerce international a été vertigineuse. Ainsi, pour les États-Unis, « pays continent », pouvant vivre en semi-autarcie, la part des exportations dans le produit intérieur brut (PIB) s’élève d’environ 5 % dans les années 60 à 10,5 % en 1992. Le Japon, nation insulaire fermée sur elle-même, s’insère dans les circuits internationaux, ses exportations atteignant environ 10 % de son PIB. Peut-être la France fournit-elle l’illustration la plus spectaculaire de cette intégration économique. Notre peuple, qui se regarde lui-même comme plutôt paysan, peu doué pour le commerce, a tout de même accompli un étonnant parcours : dans les années 60, les exportations françaises représentaient un peu moins de 15 % du PIB ; en 1992, la part est de 22,5 %.
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