Voici bien longtemps que l’auteur ne s’était exprimé dans notre revue, et au cours de nos entretiens nous lui avions demandé d’étudier le problème kurde et de nous faire connaître son sentiment sur l’avenir de ce peuple. Voici le fruit du travail approfondi auquel il s’est livré. Comme à l’accoutumée, cet article est riche, passionnant, et se termine par une note d’optimisme que certains peut-être ne partageront pas.
Aspects actuels du problème kurde
Depuis 1925, date de la révolte déclenchée par le cheikh Saïd de Palou, dans l’Anatolie centrale, contre la domination de la Turquie kémaliste, le problème kurde reste posé. Il demeure à l’origine d’événements tragiques, constamment renouvelés durant ces dernières années. Désormais mieux informée, l’opinion mondiale s’émeut. Les manifestations de sympathie se multiplient ; mais les démarches politiques, qui seules pourraient infléchir de façon décisive le destin du peuple kurde, restent rares et de faible portée. De la sorte persiste une situation sans autre exemple dans le monde.
Le peuple kurde reste arbitrairement fragmenté et, sauf exception limitée et précaire dans l’Iraq du Nord, soumis à des dominations étrangères qui contestent, le plus souvent avec violence, son identité nationale, voire même son originalité culturelle. Le territoire ancestral des Kurdes est partagé entre plusieurs États, principalement la Turquie, l’Iraq et l’Iran, accessoirement la Syrie et les républiques du Caucase. Tout destin national, tout avenir politique sont refusés à ce peuple. Son épanouissement culturel reste limité, car il dépend de l’arbitraire d’autorités étrangères. Sa simple survie en tant qu’entité humaine distincte pourrait donc être, à terme, gravement compromise.
Résurgence du problème kurde
Sera-t-il longtemps encore possible d’admettre qu’un peuple de 20 à 25 millions d’âmes n’accède pas à l’existence politique ; à une époque où de minimes populations du Tiers Monde, dépourvues même d’une histoire distincte remontant à quelques siècles, comme par exemple celles de la Guinée-Équatoriale ou des îles du Cap-Vert, qui comptent moins de 400 000 âmes, bénéficient d’une complète indépendance et de la souveraineté ? Il est vrai que les colonisateurs de ces peuples africains étaient occidentaux. L’élan politique, renforcé par des considérations de morale et de civilisation, a conduit Londres, Paris, Lisbonne, à décoloniser en Asie et en Afrique ; il ne pouvait évidemment surgir de la même manière à Ankara, à Bagdad et à Téhéran. Bien mieux, il a longtemps été de l’intérêt des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne que, face à l’Union Soviétique fortement armée et présumée ambitieuse, subsistent des souverainetés orientales déterminées à défendre leur indépendance. Il fallait donc appuyer, aider, armer ces États orientaux, Turquie, Iran, voire Iraq. D’où le long enlisement du problème kurde.
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