Après la publication dans notre livraison de décembre 1993 de réflexions sur le Livre blanc de la Défense, voici un second article dont l'auteur, contrôleur général des armées, a souhaité faire connaître ses réflexions sur ce sujet après les nombreuses missions qu’il a effectuées, particulièrement dans l’Armée de terre et la Gendarmerie.
Défense et territoire
Les événements qui déchirent l’ex-Yougoslavie, l’ex-URSS et d’autres parties du monde, par exemple en Afrique, nous poussent à nous interroger sur des notions que la tranquillité apparente de l’Europe occidentale, surtout depuis la fin de la guerre froide, relègue à d’autres plans, très loin derrière des préoccupations telles que le chômage, le maintien des acquis sociaux, alors qu’elles en sont indissociables : ainsi en est-il de la défense du territoire dont on peut, à juste titre, se demander si elle a encore, aujourd’hui, dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens, une signification réelle.
De tout temps, la défense du territoire national n’a été perçue que par référence au concept de frontière : « limite qui sépare deux États » (Petit Larousse 1939), le territoire étant, selon la même source, « une étendue de terre dépendant d’une autorité, d’une juridiction », tandis que l’État est « une nation (ou groupe de nations) organisée, soumise à un gouvernement et à des lois communes ». Le citoyen est un « membre de l’État considéré au point de vue de ses devoirs envers la patrie et de ses droits politiques ». Ces notions, dans une définition datant d’un demi-siècle mais toujours d’actualité, sont très imbriquées et, dans le contexte filandreux de la Communauté économique européenne à son stade présent d’évolution, leur contenu semble avoir de plus en plus tendance à s’effilocher.
Le concept de défense, depuis plus de trente ans, a beaucoup évolué ; cela n’a-t-il pas contribué à estomper la perception du besoin de défense, l’évidence de la nécessité de la défense du territoire ? La notion même de territoire à défendre dans un contexte s’étendant à l’Europe ne conduit-elle pas à démobiliser l’esprit de défense ? Telles sont, entre autres, deux questions auxquelles nous allons tenter d’apporter un élément de réponse.
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