La fin de la guerre civile et la perspective d'élections générales en 1994 ont amené une lueur d'espoir au Mozambique. Toutefois, de nombreuses difficultés pourraient entraver le processus de redressement de ce pays complètement ruiné. L'auteur, spécialiste de l'Afrique australe, s'est rendu à plusieurs reprises dans cette zone tourmentée ; il nous livre ici une analyse complète sur la situation actuelle et l'avenir dans cette ancienne colonie portugaise.
Incertitudes mozambicaines
Les accords de paix signés à Rome à l’automne 1992 semblent avoir mis un frein au processus de délabrement du Mozambique. Complètement ravagé par une lutte coloniale puis par une guerre civile particulièrement dévastatrice, le pays est à reconstruire. Bénéficiant d’un important capital de sympathie et d’une aide massive de la communauté internationale, le gouvernement de Maputo a entamé des premières réformes encourageantes. Ces mesures doivent maintenant être accompagnées par une évolution des mentalités locales pour gommer les effets de la longue et dramatique épreuve qui a bouleversé la population de ce territoire de l’Afrique australe.
Le long cauchemar
Ce pays lusophone a été en guerre pendant les trois dernières décennies. Toute une génération de Mozambicains n’a donc jamais connu la paix. C’est en effet en 1964 que le Frelimo (1) déclenche une insurrection armée contre le colonisateur portugais. Après une douloureuse période d’enlisement, la lutte ne s’achève que dix ans plus tard : la révolution des œillets (24 avril 1974) porte alors au pouvoir à Lisbonne un régime favorable à l’émancipation des colonies portugaises. Le pays obtient son indépendance le 25 juin 1975. Les orientations marxistes prises par les nouveaux dirigeants provoquent un exode des colons, détenteurs des principaux leviers de l’économie et de l’administration. La rupture brutale du tissu agricole et industriel plonge ainsi la nouvelle nation dans une crise grave. En particulier, le monde paysan est déstabilisé par les réformes hâtives et utopiques mises en place par Maputo. Beaucoup de mécontents rejoignent la Renamo (2). À un conflit colonial succède alors une guerre civile qui va amplifier le marasme économique et social.
L’intervention indirecte de puissances étrangères (l’ex-URSS soutient le Frelimo, l’Afrique du Sud la Renamo) fait durer les affrontements. L’échec de l’accord de Nkomati (3) (16 mars 1984) met fin à un espoir de paix. Pendant près de dix ans encore, les atrocités se multiplient dans la quasi-totalité du territoire. Les campagnes sont dévastées par les pillards qui se livrent à des massacres odieux pour se nourrir et par les maquisards qui mènent une guérilla désordonnée. Les carnages sont le plus souvent l’œuvre de bandes incontrôlées : partisans de la Renamo (mouvement mal structuré), déserteurs du Frelimo et bandits de grand chemin font régner une situation anarchique dans les zones rurales. Conscients qu’ils ne pourront parvenir à une solution militaire, les deux partis entament à la fin de 1990 des négociations diplomatiques dans la capitale italienne sous l’égide des Églises et de médiateurs internationaux (essentiellement Nations unies et Italie). Les pourparlers laborieux aboutissent le 4 octobre 1992 aux accords de Rome qui mettent un terme aux affrontements armés et prévoient des élections générales dans le courant de l’année 1994.
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