Politique et diplomatie - L'Afrique du Sud, laboratoire du monde ?
Le Rubicon est franchi ! Le jeudi 18 novembre 1993, l’Afrique du Sud est dotée d’une Constitution intérimaire, enterrant définitivement l’apartheid en donnant une voix à chaque Sud-Africain, blanc ou noir. Les premières élections multiraciales se dérouleront le 27 avril 1994 et désigneront une Assemblée qui, dans un délai de deux ou trois ans, mettra au point la Constitution définitive de la nouvelle Afrique du Sud (1).
Ce tournant historique évoque les tragédies classiques. À l’arrière-plan, un tumulte de haines, de violences. Les Noirs (trois quarts de la population) font exploser des décennies d’humiliation et de frustration. Les ethnies (Zoulous, Xhosas…), les particularismes s’entre-déchirent déjà. Quant aux Blancs, ils sont également profondément divisés, la majorité acceptant l’inéluctable, l’extrême droite (Front du peuple afrikaner, AVF) rêvant d’un État séparé de l’Afrique du Sud et regroupant les Afrikaners.
Sur le devant de la scène, deux hommes, deux héros, faisant irrésistiblement songer à Ulysse et à Hector dans « La guerre de Troie n’aura pas lieu » de Jean Giraudoux. Le désastre, la guerre sont proches, tapis dans l’ombre ; pourtant il faut tenter de sauver la paix, de bâtir une nation réconciliée. D’un côté, Nelson Mandela, président de l’African National Congress (ANC), combattant depuis sa jeunesse l’apartheid, passant toutes les années de sa maturité en prison de 1964 à 1990, et formidablement grandi par sa réclusion. De l’autre côté, Frederik De Klerk, dernier président de l’Afrique du Sud de l’apartheid, éduqué et formé dans l’idéologie du développement séparé, assumant l’impasse de son pays et faisant l’extraordinaire pari d’une révolution tranquille. Ces deux hommes ne peuvent qu’inspirer un immense respect, chacun transcendant son passé pour inventer quelque chose de nouveau, au carrefour du rêve et de la raison.
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