À propos des ouvrages de S. H. Nasr, Sciences et savoir en Islam (traduit de l'anglais par J.-P. Guinhut ; Sindbab, 1993, 350 pages), de Ahmad Y. al Hassan et Donald R. Hill, Sciences et techniques en Islam, une histoire illustrée (traduit de l'anglais par Hachem el Hussein, Edifra, Unesco, 1991, 300 pages) et de Redha Malek, Tradition et révolution. L'enjeu de la modernité en Algérie et dans l'Islam (Sindbab, 1993, 219 pages).
À travers les livres - Islam et monde musulman devant la science et la technique
Bien que l’évidente origine orientale de nos « chiffres arabes », ainsi que la dénomination arabe de maintes étoiles, aient dû mettre les esprits en éveil, science et technique sont couramment considérées, chez les Européens, comme un apanage historique de l’Occident. Jadis les ouvrages de Sédillot et de Gustave le Bon, et dans la première moitié de notre siècle ceux de Haïdar Bammat et H. A. R. Gibb, ont cependant commencé d’ébranler ce préjugé, auquel le colloque de Bordeaux (1956) sur « L’histoire de la civilisation musulmane », organisé par R. Brunschvig, aura porté un coup décisif.
Dans la deuxième moitié de ce siècle se multiplient en effet les publications qui permettent d’éclairer un public de plus en plus large. Les importantes contributions de Louis Massignon et Roger Arnaldez à l’Histoire générale des sciences (1957) et de Gaston Wiet à l’Histoire générale des techniques (1962), la livraison des Cahiers de l’Institut de science économique appliquée (François Perroux) consacrée à « L’islam, l’économie et le technique » (octobre 1960), les cinquante pages in 8° consacrées par L’islamologie de F. M. Paréja (1964) à « La science dans les pays de l’islam », constituent les principales étapes de cette entreprise de vulgarisation.
Le besoin d’un petit ouvrage de synthèse s’est cependant fait sentir, et c’est aux États-Unis qu’il y est d’abord répondu, dès 1968, par le professeur iranien Seyyed Hossein Nasr, avec Science and Civilisation in Islam (Harvard U. P., 1968) ; ouvrage aussitôt traduit en français et aujourd’hui réédité par Sindbab, qui prépare d’ailleurs une Encyclopédie sur ce sujet. Conçu, nous dit l’éditeur, comme « une sorte d’anthologie des savants de l’Islam », l’ouvrage n’évite ni certaines longueurs (fantaisiste zoologie d’El Qazwînî, p. 166-175) ni de copieux développements, plutôt hors sujet, sur l’alchimie arabe, dont « la tradition (serait) continue jusqu’à nos jours » (p. 268) et sur la gnose (p. 323-344). Cependant le mérite de M. Nasr nous semble être d’offrir de très larges extraits, bien choisis, d’auteurs musulmans difficilement accessibles ; c’est avec un réel intérêt que, par exemple, on lira (p. 233-234) les vingt lignes par lesquelles Ibn an Nafis, médecin de Damas, décrit dès le milieu du XIIe siècle la circulation pulmonaire du sang, « seule véritable découverte anatomique faite au Moyen Âge », soulignait, lors du colloque de Bordeaux, le professeur W. Hartner, et découverte d’autant plus remarquable que son auteur ne pouvait pratiquer la dissection.
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