L’île qui a une superficie de 35 970 km2 (soit celle de six départements français, environ) – les deux tiers ne sont pas cultivables – est séparée de la Chine continentale par le détroit de Formose. Dans son étranglement le détroit est quatre fois plus large que le Pas-de-Calais. Une navigation de moins d’une journée permettrait à une flottille de jonques d’aborder les rivages de Formose. Il est vrai qu’à l’ouest ceux-ci sont d’accès relativement difficile, en raison de bas-fonds, de barres de sable et de marécages ; qu’à l’est, des falaises dominent le Pacifique.
Formose, – dénomination donnée par les Portugais à Taïwan – devait abriter au XVIIe siècle le métis sino-japonais Kouo sing-ye, alias Koxinga, et ses descendants : défenseurs acharnés de leur fief ; partisans de la dynastie Ming expirante. L’île restait indépendante de la Chine, jusqu’en 1682. On retiendra un fait essentiel : le caractère récent du peuplement, dans les siècles derniers, par des Chinois venus des provinces maritimes voisines.
Formose n’entrait dans l’histoire contemporaine qu’au milieu du XIXe siècle quand le commodore Perry la visitait, en 1854. Des prospecteurs de mines de charbon, des représentants américains recommandaient alors au secrétaire d’État l’annexion — la chose est inattendue — d’une partie au moins de l’île. Mais ces suggestions étaient rejetées à Washington. On mentionnera l’occupation éphémère d’une frange côtière, en 1884, par l’amiral Courbet et ses valeureux marins.
En 1895, le Japon, vainqueur de la Chine, annexait Taïwan. Il ne parvenait à y rétablir l’ordre qu’en 1902 et il devait encore, entre 1907 et 1928, réprimer quatre révoltes. Mais, au cours des cinquante années d’occupation (1895-1945), les Japonais équipaient leur conquête, la modernisaient. Ils en tiraient pour eux-mêmes du camphre, du sucre, du thé, du charbon, et surtout du riz (le riz restant la principale richesse ; la moitié des récoltes de riz étant exportées au Japon). La « japonisation », officiellement déclarée en juillet 1937, impliquait centralisation et représentation disproportionnée des Japonais dans l’administration. Il n’y avait pas de paysans japonais : seulement des fonctionnaires, des marchands, des intermédiaires japonais.
La population d’environ 3 millions en 1905, s’élevait en 1940 à 6 077 385 habitants dont 5 523 912 (90 %) Chinois ; 346 663 Japonais (5,7 %) ; 158 321 aborigènes (2,6 %) et 48 489 d’origines diverses.
Après la capitulation, la plupart des Japonais étaient rapatriés. Or, en 1950, on comptait plus de 9 millions d’habitants (d’après le MSA). Soldats et civils nationalistes avaient afflué, cherchant refuge. Augmentation massive de plus de trois millions d’êtres qu’il faudra nourrir, loger.
On ne dissociera pas de Formose l’archipel des Pescadores où les Japonais avaient créé des bases aéronavales ; non plus que d’autres îlots qui parsèment les mers de Chine — « cailloux », disent les marins toujours anxieux de voir leur navire s’y briser, dans un climat de typhons. Ces îles et îlots, rattachés à Formose, ont servi quelquefois de points de départ, depuis 1950, aux commandos dirigés vers le continent.
On peut se référer à deux livres récemment publiés aux États-Unis : Fred W. Riggs, Formosa under Chinese nationalist rule, New York, I. P. R., The Macmillan Cy, 1952 X + 195 p. Et surtout : Joseph W. Ballantine, Formosa a problem for United States foreign policy, Washington, The Brookings Institution, 1952 X + 218 p. Ces deux ouvrages offrent d’utiles bibliographies. Le Livre Blanc américain intitulé China (1949) contient un mémoire de l’ambassadeur Stuart au Président Chiang Kaï-shek. Les presses y ont puisé la plupart des faits qu’elles ont diffusés au sujet de Formose, comme aussi l’interprétation d’événements dans la période 1943-1949.