La défense de l'Europe, thème décidément très péroccupant car difficile à traiter, suscite bien des réflexions, des discussions, des opinions diverses. En outre, on n'y aborde généralement guère le rôle que peut y jouer la Russie : amie ou ennemie ? incluse ou exclue ? et dans quelles limites géographiques ? Le général de Bressy de Guast, fidèle auteur, aborde brillament cet aspect inédit.
Défense européenne : et la Russie ?
Du point de vue de la géostratégie, le XXe siècle aura été court : commencé en 1914, il s’est achevé en 1991, avec l’éclatement de l’Union soviétique. Le XXIe siècle est déjà commencé, mais, dans le domaine de la défense notamment, beaucoup de nos contemporains en sont encore à réagir comme au temps de la guerre froide. De même qu’après 1945 certains de nos chefs militaires furent guidés par l’idée de contrer la résurgence d’une menace allemande — et l’échec de la CED n’eut pas d’autre origine —, de même, aujourd’hui, certains pensent encore à une menace possible à l’Est.
La Russie : une menace ?
Or, si l’URSS fut indiscutablement une menace de première grandeur, la Russie n’en est plus une. La menace militaire à l’Est venait de l’expansionnisme soviétique, appuyé sur le messianisme idéologique communiste et sur son bras armé : le Pacte de Varsovie. Rien de tout cela n’existe plus : il n’y a plus d’URSS, le communisme stalinien a rejoint le nazisme hitlérien dans les oubliettes des utopies dévastatrices, les anciens membres du Pacte de Varsovie font la queue pour entrer dans l’Otan et dans l’Union européenne. Quant à l’armée russe, comme l’écrit Soljenitsyne : « En apparence, le pays dispose d’une armée capable de défendre la patrie, mais elle n’est même pas capable d’assurer correctement la garde des casernes en temps de paix » (1). Certes, les Russes possèdent toujours un stock impressionnant d’armes nucléaires stratégiques, mais quelles raisons avons-nous pour ne pas les croire quand ils nous disent que lesdites armes sont restées sous contrôle — ce que confirment tous les services de renseignement occidentaux — et qu’elles ne sont pas dirigées contre nous ?
Le risque pour la stabilité et la sécurité à l’est de l’Europe viendrait bien plutôt maintenant d’une implosion de la Fédération de Russie. Il s’agit là d’un risque, non d’une menace. Toutefois, il est permis de penser que la Russie — passée trop vite dans un système démocratique et libéral qu’elle n’avait jamais connu — sortira de la crise actuelle, qui n’aura qu’un temps. Pour ce pays, l’un des seuls acquis de soixante-dix ans de communisme — qui l’ont ruiné par ailleurs — est le remarquable niveau d’éducation d’une population dont l’intelligence comme le courage dans l’adversité ne sont plus à démontrer. La Russie, nous devons l’espérer et le souhaiter, se relèvera, et cet immense pays a des ressources, de tous ordres, considérables.
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