La Communauté des États indépendants a-t-elle encore un avenir ?
La Communauté des États indépendants (CEI) aurait pu être l’instrument d’une intégration sur de nouvelles bases de l’espace anciennement soviétique : c’est du moins ce que souhaitait la Russie. Elle ne l’a pas été et elle est aujourd’hui plongée dans une crise multiforme si sérieuse qu’on peut se demander si elle parviendra à la surmonter. L’appartenance à l’ancienne Union soviétique n’est désormais plus un dénominateur commun suffisant. Pour durer, la CEI doit se restructurer. Elle doit aussi, et surtout, trouver une raison d’être, ce qui suppose l’adhésion des États membres à un projet commun défini sur la base d’intérêts partagés. Les enjeux des évolutions en cours sont multiples, pour les nouveaux États indépendants (NEI) concernés au premier chef, en particulier pour la Russie qui a explicitement considéré que ce qu’elle appelle son « étranger proche » constituait sa « sphère naturelle d’influence » ; pour l’avenir des équilibres européens aussi. Que la CEI continue à se disloquer et la « maison Europe » pourrait être, de l’Atlantique à l’Oural, tout entière tournée vers ces pôles d’attraction que sont l’Union européenne et l’Alliance atlantique.
La CEI : ni un État, ni une structure supranationale
La Communauté des États Indépendants, créée le 8 décembre 1991 par les dirigeants de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie, et rejointe le 21 par huit autres républiques (l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Moldavie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Turkménistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan), naît sous le signe de la rupture. Elle « n’est ni un État, ni une structure supranationale », mais une association d’États souverains et égaux. Alors que l’Union soviétique se définissait comme un État fédéral et qu’il n’y avait en pratique jamais eu de partage des compétences entre le pouvoir central (qui décidait de tout dans tous les domaines) et les quinze républiques qui la composaient, la CEI se définit sur des bases complètement différentes. Elle n’a l’ambition d’être ni une fédération, ni une confédération. Elle ne crée pas de pouvoir central, n’envisage pas de transfert de souveraineté et se fixe comme objectif non pas une intégration (sauf dans le domaine économique, les pays membres affirmant vouloir « former un espace économique commun »), mais une coopération et une coordination des politiques des États membres dans la sphère de leurs intérêts communs : un objectif réaffirmé dans la Charte dont elle se dote le 22 janvier 1993 (1). Signe emblématique de cette volonté de rupture, c’est Minsk et non pas Moscou qui est choisi comme siège des institutions.
Cette nouvelle communauté s’est d’emblée institutionnalisée. De nombreux organes, dont les pouvoirs et la finalité sont précisés dans la Charte de 1993, sont mis en place à partir de 1992. Le Conseil des chefs d’État est « l’organe suprême » : il définit au cours de ses réunions bisannuelles, les orientations « fondamentales » de l’activité des États membres. Le Conseil des chefs de gouvernement, qui se réunit au moins quatre fois par an, « coordonne la coopération des organes de pouvoir exécutif ». Il est assisté par un Comité consultatif de coordination, « organe exécutif permanent », et par son secrétariat. Ce dernier est dirigé par un secrétaire exécutif qui a un rang protocolaire équivalant à celui de chef de gouvernement. De nombreux Conseils — notamment des ministres de la Défense (créé en février 1992), des ministres des Affaires étrangères (créé en septembre 1993), des ministres de l’Intérieur (créé en mai 1996), des commandants des forces de gardes-frontières (créé en juillet 1992) — et comités ont pour objet de développer des coopérations sectorielles. Une Assemblée parlementaire, organe consultatif créé en mars 1992, est chargée d’adresser des recommandations aux Conseils des chefs d’État et de gouvernement.
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