L'auteur nous décrit, à la lumière des derniers conflits en ex-Yougoslavie, cette poudrière qu'est et qu'a toujours été la péninsule balkanique.
Les Balkans, théâtre de guerre
L’histoire des Balkans n’est qu’une suite ininterrompue de guerres, de tensions et de crises. Le XXe siècle ne fait pas exception. Il s’ouvre par les deux guerres dévastatrices de 1912 entre l’Empire ottoman et les quatre petits États du Sud, puis de 1913 entre la Bulgarie et les trois autres vainqueurs. La France fournit ses canons Schneider à la Serbie et l’Allemagne ses canons Krupp aux Jeunes Turcs. Le 28 juin 1914, l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche François-Ferdinand à Sarajevo par l’anarchiste bosniaque Princip est l’étincelle tant redoutée qui fait exploser la poudrière, le mécanisme de la Première Guerre mondiale se met en route. La Seconde Guerre mondiale n’épargne pas les Balkans : le 6 avril 1941, c’est le bombardement de Belgrade (20 000 morts), suivi de l’invasion de la Yougoslavie. En onze jours, l’armée royale est écrasée, la Serbie occupée et la Croatie transformée en un État satellite. Les forces de la résistance, partisans de Tito et Tchetniks, se dressent contre l’occupant, la Wehrmacht s’épuise dans les Balkans. En 1945, la page est tournée. Durant tout le temps de la guerre froide, Tito assure d’une poigne de fer la stabilité et une relative prospérité à la Fédération yougoslave reconstituée. Sa situation à la charnière des deux blocs le conduit, par crainte de tomber sous la domination soviétique, à emprunter la voie du non-alignement, mais, à sa mort en 1980, le pays renoue avec son histoire tourmentée (1).
En juin 1991, moins de deux ans après la chute du mur de Berlin, la guerre reprend et se propage comme un incendie du Nord au Sud. C’est la première en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le cycle des violences se déchaîne en Slovénie, puis en Croatie et enfin en Bosnie-Herzégovine. Le conflit à peine éteint avec les accords de Dayton de décembre 1995, comme par malédiction, c’est un nouvel embrasement cette fois à propos de la province autonome du Kosovo, berceau historique de la Serbie peuplé en majorité d’Albanais musulmans. La péninsule maudite connaît les soubresauts de la guerre civile avec son cortège de destructions, d’atrocités, de colonnes de réfugiés jetés sur les routes qu’alourdissent les bombardements massifs de l’Otan. Une fois encore, les peuples des Balkans s’entre-déchirent et l’Europe connaît à nouveau la guerre.
Les conflits les plus compliqués
Les Balkans, au carrefour des voies de communication qui relient l’Europe centrale à la Méditerranée et l’Europe occidentale à l’Asie Mineure suscitent, depuis l’effacement de l’Empire ottoman au congrès de Berlin (1876), les convoitises des grandes puissances européennes. Le puzzle des petits États qu’opposent depuis des siècles des querelles interethniques et des problèmes de frontières est ainsi devenu le théâtre de conflits armés enchevêtrés mêlant guerres intérieures et interventions étrangères, et mettant en jeu un nombre important d’acteurs aux motivations très diverses, États, alliances, organisations internationales, galaxie humanitaire. Aucun conflit n’a autant impliqué la communauté internationale et jamais les appels d’empire, suivant la formule de Ghassan Salamé, n’ont été d’une aussi poignante intensité.
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