La naissance (1939-1940)
Dès le premier numéro de mai 1939, la ligne éditoriale est clairement établie. Cette trame de fond a guidé toutes les équipes de direction et de rédaction depuis la création de la Revue jusqu’à nos jours : « Son but est d’attirer l’attention sur les grands problèmes qui, à des titres divers, intéressent la défense nationale et qui sollicitent le concours de toutes les activités de l’Empire ».
Dans un contexte de guerre imminente et prenant la suite de la Revue militaire générale, la Revue des Questions de Défense nationale tenta de diffuser jusqu’en juin 1940 cette réflexion stratégique. Elle devait permettre « de combler la lacune que mettent en évidence l’expérience des dernières années et les préoccupations du moment ». L’esprit est donc, au-delà des leçons tirées du passé pour mieux se préparer à la menace imminente, de diffuser une véritable réflexion de fond prenant appui sur des analyses stratégiques et prospectives. La guerre totale, qu’avait été celle de 1914 et celle qu’allait être celle de 1939, entraînait la nécessité de penser la défense non seulement en tant que défense militaire mais, plus encore, en tant que défense globale.
« Elle tient, en ouvrant ses travaux, à rendre hommage à l’œuvre précédemment accomplie par la Revue militaire générale, dont la direction avait aperçu, au-delà du but volontairement limité qu’elle s’était primitivement assigné, l’universalité du problème de la défense nationale et qui lui laisse, pour en développer l’étude, une documentation des plus utiles ».
C’est pourquoi, la Revue a toujours traité des questions militaires, mais aussi des questions économiques, industrielles et politiques à travers diverses chroniques spécialisées. Pour le comité de direction, la défense globale comprend également la défense d’un ensemble de valeurs auxquelles la France de 1939 est attachée : « Ce que nous devons défendre » est une rubrique de défense des valeurs culturelles et artistiques d’une France meurtrie. La censure et les événements entraînèrent un infléchissement de la ligne éditoriale vers un patriotisme plus exacerbé, un patriotisme typique des années 30-40, celui d’un pays en guerre, celui d’un pays qui a un ennemi.
« On a jadis cité ces mots d’un jeune écrivain tué en 1916 : “Je me bats pour Racine, la Fontaine, et les cathédrales de France.” Nous pourrions ajouter : Pour Watteau et pour Delacroix. Si, en cette Revue de Défense nationale, on fait place aux questions d’art, c’est qu’on y comprend le sens profond de l’art, qu’on le sait inséparable de toutes nos autres raisons de mettre en jeu la liberté et la vie de la nation. Un peuple ne mérite de durer dans les millénaires que s’il présente des titres de noblesse. L’art est un des plus purs : et disons-nous bien que l’Allemagne, dont nous honorons les génies musicaux mais dont l’apport plastique est indigent, nous jalouse et nous déteste autant à cause de notre magnificence picturale qu’à cause de la fécondité de notre sol » (1).
En juin 1940 parut le dernier numéro de la Revue, jusqu’à sa renaissance en juillet 1945. ♦
(1) C. Mauclair : « Ce que nous devons défendre : les familles spirituelles de la peinture française », Revue des questions de Défense Nationale, mai 1940, p. 100.