Correspondance - À l'origine de Pearl-Harbour
À propos de l'ouvrage de l'amiral d'armée Angelo Jachino, Le duc Sirti, qui révèle qu'une mission aéro-navale japonaise se rendit secrètement en Italie, au printemps de l'année 1941.
L’ouvrage de l’amiral d’armée Angelo Jachino, intitulé Le duc Sirti (1), échappe à notre compétence. Nous ne saurions, en effet, émettre aucune appréciation originale et réellement informée sur les récits qu’il nous donne des deux combats du 17 décembre 1941 et du 22 mars 1942. Rappelons simplement qu’ils mirent aux prises son escadre avec les forces légères britanniques qui, sous les ordres du contre-amiral Vian, assuraient la protection des convois de Malte.
Si nous désirons cependant attirer sur ce volume l’attention du lecteur, c’est parce qu’il contient un détail qui, à notre connaissance, a échappé à tous les historiens qui se sont occupés de la genèse de Pearl-Harbour, même au commandant S. E. Morison dont l’History of United States Naval Operations in World War II doit être considéré comme un chef-d’œuvre d’information et de synthèse. Il s’agit en l’espèce de la mission aéro-navale japonaise qui se rendit secrètement en Italie, au printemps de l’année 1941.
Fin mai 1941, elle était reçue à Tarente et montait à bord du cuirassé Littorio qui, à ce moment-là, battait le pavillon de l’amiral Jachino ; elle comprenait une douzaine d’officiers appartenant tous à l’aviation embarquée. Comme à l’accoutumée, nous dit l’auteur, les Nippons furent remarquablement discrets et ne s’expliquèrent pas quant au but de leur mission.
Cette réserve, quant au reste, ne les empêcha pas de questionner avec minutie tous les témoins oculaires, qu’ils purent rassembler, de l’attaque nocturne du 11 novembre 1940 au cours de laquelle les cuirassés Littorio, Duilio et Cayour avaient été torpillés, en pleine rade de Tarente et malgré la protection d’un barrage de filets, par les appareils du porte-avions britannique Illustrious.
Ce qui les étonnait particulièrement, c’est qu’une pareille attaque eût réussi par des fonds qui ne dépassaient pas quatorze mètres. L’amiral Jachino et ses collaborateurs mirent tout en œuvre pour satisfaire la curiosité de leurs hôtes, qu’ils attribuèrent au souci naturel de compléter leur expérience professionnelle. Ce n’est qu’au lendemain du 8 décembre 1941 qu’ils s’avisèrent que la rade de Pearl Harbour présentait des caractéristiques assez semblables à celles que l’on trouvait à Tarente, surtout en ce qui concerne la profondeur. Ils apprirent au surplus que les Japonais avaient fait subir aux torpilles de leur aéronavale les mêmes modifications que la Fleet Air Arm avait apportées aux siennes en vue de l’attaque du 11 novembre 1940.
C’est au lendemain de cette affaire que, selon le commandant Morison, l’amiral Yamamoto donna l’ordre à son état-major, ainsi qu’au contre-amiral Oniski, chef d’état-major de la 11e Flotte aérienne, de mettre à l’étude une attaque de la grande base américaine par le moyen de l’aviation embarquée. La mission envoyée en Italie dut ramener des observations précieuses, car, dès lors, les choses allèrent rondement, puisque fin août un kriegspiel fut organisé pour étudier ce thème. Le 5 novembre 1941, l’amiral Yamamoto signait l’ordre d’opérations n° 1. ♦
(1) Il libro del Giorno, n° 11. Arnoldo Mondadori, Milan, 1953.