Les Assassins, terrorisme et politique dans l'islam médiéval
En février 2001, les éditions Complexe rééditaient le petit livre de Bernard Lewis qui, sur l’histoire de la secte des Assassins, fait autorité. L’idée était bonne puisque, sept mois plus tard, les terroristes du 11 septembre remettaient au goût du jour et la terreur et le Paradis.
C’est à la fin du XIe siècle que Hasan al-Sabbâh a fondé cette secte étrange, redoutable et qui, secrète, a fait beaucoup rêver. Les chiites, auxquels elle se rattache, sont des légitimistes qui ne voient d’autorité en islam que dans la succession d’Ali, troisième calife et gendre du Prophète. Ils se sont eux-mêmes beaucoup disputés sur la généalogie : ceux d’Iran comptent douze Imams, les ismaéliens en veulent sept… ou davantage. Les chiites sont des gens compliqués et les ismaéliens les plus compliqués des chiites. Ils eurent leur temps de gloire avec les Fatimides du Caire. C’est de l’un de ceux-ci, Nizar, héritier malheureux, que Hasan al-Sabbâh se réclame.
Hasan a passé sa vie à lutter contre les Turcs seldjoukides, sunnites au pouvoir à Bagdad, et accessoirement contre nos Croisés. Sa stratégie s’appuyait sur un réseau de châteaux forts, lui-même s’étant établi au sud-ouest de la Caspienne, dans la forteresse d’Alamût. De ce PC, qu’il ne quitta pas jusqu’à sa mort, il envoyait ses fidâyin (les dévoués jusqu’au sacrifice) perpétrer les assassinats politiques qui valurent à la secte son prestige. On la craignait jusqu’en Europe, par le tableau qu’en faisaient les Croisés, qui connaissaient la branche syrienne de celui qu’ils appelaient le « Vieux de la montagne ».
C’est aussi aux Croisés que nous devons le mot d’assassin, encore que l’étymologie en soit controversée. La racine arabe du mot est hachîch, qui désigne la paille… et le cannabis. De cette ambiguïté découle la légende selon laquelle les sacrifiés se droguaient pour aller à la mort. Ils n’en avaient nul besoin, assurés qu’ils étaient, besogne faite et eux-mêmes abattus, d’entrer au Paradis. Nous voici au 11 septembre. Le vade-mecum des terroristes, retrouvé dans les bagages de deux d’entre eux, leur promet le même aboutissement : le jardin des délices, où les houris les attendent.
Bernard Lewis souligne dans sa conclusion que l’entreprise des Assassins a totalement échoué ; mais il ajoute aussitôt, en une dernière phrase qui, lue aujourd’hui, se passe de commentaires : « Les grands bouleversements de notre époque ont fourni (à leurs imitateurs) de nouvelles causes de colère, de nouveaux rêves d’accomplissement et de nouveaux instruments de combat ». ♦