Éditorial
Les États-Unis sont en guerre contre le terrorisme, « mal absolu » qu’ils veulent éradiquer. Cela prendra du temps et les autres États, à part ceux de « l’axe du mal », doivent y contribuer selon des modalités et sous un contrôle américains. L’Empire définit le droit et fait la loi. Il est en marche vers l’Est et ses légions n’ont militairement besoin de personne, si ce n’est pour des tâches secondaires.
L’Afghanistan et l’Asie centrale apparaissent comme un théâtre d’opérations, simples étapes d’une nouvelle Route de la soie et d’un glissement stratégique des États-Unis vers l’Asie-Pacifique. Le développement de la Chine et l’émergence d’un monde chinois en font un partenaire économique immédiat et un adversaire stratégique à terme.
Ce glissement s’accompagne d’un remodelage du Proche-Orient afin de mieux assurer et répartir à l’avenir les intérêts économiques des États-Unis. Les modalités pratiques, en cours de gestation, concernent principalement l’Irak et l’Arabie Saoudite, dont Washington n’oublie pas l’aide significative à un islam radical.
Au Proche-Orient, Israël a perdu la guerre des images et des mots, mais est en passe, avec les encouragements américains, de réduire la violence à un niveau gérable politiquement au prix d’une impasse dramatique dans les négociations israélo-palestiniennes.
L’Europe n’apparaît plus sur l’écran stratégique américain et l’avenir de l’Otan, on peut le regretter ou s’en réjouir, se situe entre une ONU régionale et l’OSCE.
Le futur de l’Europe est préoccupant et incertain. Absente « géopolitiquement » depuis le 11 septembre, l’Union européenne, au-delà de la nécessaire solidarité, est incapable de reconnaître et de faire valoir que ses intérêts ne sont pas ceux des États-Unis. Elle va à une bataille, dont elle n’a pas pris conscience, en ordre dispersé.
Préoccupée à juste titre par la consolidation des acquis et l’élargissement, elle se mobilise insuffisamment sur les problèmes de son étranger proche, en particulier le Bassin méditerranéen, carrefour de trois religions monothéistes et de trois civilisations, au cœur des tensions et des intolérances actuelles. Comme le souligne un de nos plus brillants analystes, Dominique Moïsi, si nous n’allons pas au Proche-Orient, celui-ci viendra à nous ; c’est en cours. Le conflit israélo-palestinien a des résonances profondes dans nos sociétés européennes, en particulier en France, où vivent les plus importantes communautés israélites et musulmanes de l’Europe occidentale.
Une initiative diplomatique franco-britannique pourrait avoir un effet d’entraînement sur l’Union européenne et répondrait à une forte demande du monde arabe, inquiet du dialogue privilégié entre les États-Unis et Israël. Sans progrès au Proche-Orient, les relations Nord-Sud et le processus de Barcelone demeureront en panne. Ce dernier, d’essence néolibérale, à finalités et règles économiques, devrait s’inscrire dans une perspective politique plus engagée car les enjeux de stabilité et de sécurité sont essentiels pour tous les partenaires.
Les Français, par leurs votes successifs, ont rejeté toute nouvelle cohabitation, les responsables politiques actuels disposent de tous les moyens d’action nécessaires pour réexaminer les conditions de sécurité du pays, et enrayer la marginalisation diplomatique et militaire de la France. Tous ces moyens ne seront pas de trop pour réformer un État rongé par les corporatismes et aux structures obsolètes, et acquérir une autonomie stratégique dans un engagement européen, en substitut d’une indépendance nationale adossée à une réassurance atlantique.
Fidèle à sa ligne éditoriale, la Revue publie une série d’articles consacrés au Bassin méditerranéen ainsi que les passages clés des déclarations gouvernementales relatifs à la sécurité et la défense, en attendant les différentes lois de programmation qui seront présentées dans cette législature.
Compte tenu des défis et des enjeux, on ne peut plus se contenter d’une stratégie de moyens nationaux et distinguer sécurité intérieure et sécurité extérieure. Seul l’espace européen a un sens, c’est en particulier le cas du contrôle aérien et de la menace prioritaire que constitue l’arme biologique. ♦