Depuis qu'elle est apparue nécessaire au début des années 90, la coopération sécuritaire entre les différents gouvernements d'Asie du Sud-Est a connu de nombreuses vicissitudes. L'existence de différends anciens, le principe de non-ingérence qui régit le fonctionnement de l' Asean, seule organisation régionale existante, et les pressions étrangères se sont avérés des freins puissants au développement de cette coopération régionale. L'accroissement des tensions internes depuis la crise de l'été 1997, l'essor de certains mouvements radicaux dans la région, le déclenchement de la campagne américaine de lutte antiterroriste ainsi que la crainte de voir certaines crises (indo-pakistanaise notamment) monter aux extrêmes contribuent cependant à faire prendre conscience aux dirigeants de la nécessité de développer leur coopération régionale pour la sécurité.
Vers une relance de la coopération sécuritaire en Asie du Sud-Est
Au début de la décennie 1990, les pays d’Asie du Sud-Est ont mis en place un forum régional à vocation sécuritaire, l’Asean Regional Forum (ARF). Sa création visait à pallier l’absence formelle de dispositif sécuritaire dont souffrait la région depuis la création de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (1) en 1967. À l’origine, cette association avait principalement pour but de promouvoir la coopération dans les domaines économiques, sociaux et culturels. Pourtant, dès ses premières années d’existence, les pays membres ont dû élargir leur coopération au domaine politique et sécuritaire. Cette situation a notamment donné lieu à l’adoption, dès 1971, de la déclaration de Kuala Lumpur (2), puis, en 1976, au Traité d’amitié et de coopération ainsi qu’à une assez large implication dans les tentatives de règlement des crises régionales. Malgré l’existence de ces différentes structures qui visaient à répondre aux multiples menaces pesant sur eux, les États de la région n’ont pas toujours été en mesure de surmonter leurs propres différends et sont également restés tributaires de l’ingérence des puissances extérieures à la zone. Le changement stratégique du début des années 90 a modifié la donne régionale et conféré à l’option sécuritaire un intérêt nouveau qui a été confirmé après l’apparition de la crise financière de l’été 1997. À compter de cette période en effet, les pays de la zone ont dû faire face à l’apparition de nouvelles menaces, mais aussi à la renaissance de crises identitaires héritées de la période de la décolonisation. Les revendications musulmanes plus ou moins violentes en sont partie intégrante et ce, dans l’ensemble de la zone. Il en a résulté la prise de conscience de la part de l’ensemble des pays d’Asie du Sud-Est qu’il leur devenait impérieux de développer une politique de coopération au niveau régional (et plus seulement bilatéral), et dans des domaines de plus en plus larges. Les événements du 11 septembre et la mise en œuvre des opérations de lutte contre le terrorisme qui a suivi, ont, depuis, renforcé cette analyse et amorcé de nouvelles collaborations pour la sécurité.
L’Asie du Sud-Est du début des années 1990
L’élaboration d’un forum de sécurité régional…
Pendant toute la période de la guerre froide, les menaces extérieures contribuent à assurer la cohésion des membres de l’Association, tandis que les menaces intérieures, et notamment les tensions ethniques et religieuses, font l’objet de mesures répressives de la part des gouvernements qui ne souhaitent pas que la cohésion des États soit remise en cause. Pendant toute cette période, les gouvernements locaux cherchent également à éviter toute ingérence dans leurs affaires intérieures, que ce soit de la part des grandes puissances occidentales, impliquées dans les différents conflits régionaux, ou asiatiques, Japon et surtout Chine. Perçue comme offrant un soutien actif aux différentes diasporas implantées dans les pays de la région, cette dernière était également clairement identifiée comme une menace pour leurs intérêts depuis la proclamation de la RPC en 1949. Cela avait d’ailleurs provoqué une rupture des relations diplomatiques entre la République populaire et les pays d’Asie du Sud-Est en 1967.
Avec la dislocation de l’URSS et le désengagement des États-Unis de la région, la Chine, qui bénéficie de conditions intérieures et internationales plus favorables (3), effectue son retour en Asie du Sud-Est. Elle rétablit alors ses relations diplomatiques avec les différentes capitales de la région, fait plusieurs propositions pour la sécurité régionale (4) tout en exerçant, dans le même temps, des pressions plus grandes sur les pays de la zone.
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