Armée de terre - La mise en place du « projet de préparation de l'avenir » au sein de l'état-major
L’armée de terre, dont la nature des missions impose de se préparer à affronter des situations difficilement prévisibles, mais qu’elle doit cependant contrôler le moment venu, est une organisation en perpétuelle évolution. C’est pourquoi l’état-major a pour nécessité permanente la préparation de l’avenir. En effet, il doit quotidiennement faire face à de nouveaux enjeux qui nécessitent de plus en plus un devoir d’anticipation et de planification.
Ce travail requiert une bonne appréhension des évolutions en cours et de la complexité de l’environnement, afin que puisse être élaboré un véritable processus de préparation de l’avenir s’appuyant sur des méthodologies, des procédures et une organisation adaptées. C’est l’objet du « projet de préparation de l’avenir » qui se met en place aujourd’hui sous la conduite de la Cellule d’études et de prospective (CEP) à l’état-major de l’armée de terre (1).
La finalité de ce projet doit permettre : de prendre en compte des scénarios prospectifs décrivant pour certains l’environnement politico-stratégique, pour d’autres l’engagement des forces terrestres dans le cadre de résolution de crises possibles futures ; d’élaborer ou de faire évoluer le modèle actuel, en distinguant la partie « forces terrestres » de la partie « socle » ; de décrire finement l’armée de terre sous forme de « maquettes » prospectives ; d’en évaluer le coût.
Au sein de ce projet, une attention particulière sera portée à deux mécanismes essentiels : l’aide à la décision et l’organisation de la veille stratégique
L’aide à la décision
Toute décision, quel qu’en soit le domaine d’application, n’a de sens que si elle renvoie à une représentation, dans l’avenir, de l’objectif visé et des effets recherchés. S’il y a décision, c’est qu’il y a possibilité d’établir un discours sur l’avenir. Ce discours doit cependant s’appuyer sur une bonne compréhension de ce qui se passe aujourd’hui, mais également sur une analyse rigoureuse des faits passés.
Afin d’être efficace, il convient de mettre en pratique des procédures adaptées à chaque phase du processus décisionnel et de mettre en place des outils, dits de simulation et d’aide à la décision, qui permettent d’anticiper et de prendre de la hauteur.
Les outils d’aide à la décision
L’état-major de l’armée de terre se dote progressivement d’un ensemble d’outils de simulation et d’aide à la décision propres à ses besoins. Ce dispositif est complété par la généralisation des pratiques du travail en groupe et en réseau. Le travail en groupe garantit la « multidisciplinarité » et la diversité des approches, alors que le travail en réseau induit pour sa part le devoir de partage des informations.
La question de la collecte, de l’exploitation et du partage des informations doit enfin être comprise comme une des fonctions stratégiques de la préparation de l’avenir. À cet égard, elle suppose un dispositif de veille stratégique qui conditionne la solidité et la pérennité de l’ensemble du dispositif.
La mise en place de la veille stratégique
Un observatoire de veille stratégique permanente a été mis en place par l’état-major pour lui permettre, par synthèses successives, d’être alerté sur les tendances et les faits annonciateurs de changements afin d’éclairer et de faciliter la prise de décision de niveau stratégique. Réduisant l’incertitude à l’égard de l’environnement de l’armée de terre, cette veille est à la base du travail de conception de l’état-major. Elle est destinée à recueillir et exploiter collectivement l’information nécessaire à une meilleure compréhension des actions en cours (démarche de pilotage) et à une anticipation des évolutions à venir (démarche d’anticipation).
Elle se traduit par une mise en évidence des tendances lourdes et des facteurs d’évolution susceptibles d’influer sur l’organisation et le fonctionnement actuel et futur de l’armée de terre.
Ces tendances lourdes et ces facteurs d’évolution sont de deux ordres : liés à des données à la fois exogènes et générales (l’environnement de l’armée de terre), ils justifient une veille dite « générale » (géostratégique, géopolitique, sociologique…) ; se rapportant à des données endogènes (l’évolution interne de l’armée de terre), ils impliquent une veille dite « de métier » (ressources humaines, équipements, organisation…).
L’utilité de la veille stratégique
Trois raisons justifient l’organisation d’une veille stratégique :
- sans anticipation, l’état-major est contraint de gérer les urgences, les circonstances seules prenant le plus souvent le commandement ;
- cet exercice « d’indiscipline intellectuelle » conduit à sortir des sentiers battus pour oser imaginer, sinon des scénarios de rupture au demeurant peu fréquents, du moins les hypothèses d’évolution contrastées qui constituent des défis auxquels il convient de tenter de répondre dès maintenant ;
- au sein de l’état-major de l’armée de terre, la mise en commun et le partage organisés de l’information sur l’avenir doivent contribuer à mieux éclairer les décisions importantes et à partager un « référentiel commun » des véritables enjeux du futur.
Il convient donc d’être capable d’anticiper, de prévenir et d’alerter avec un préavis suffisant pour éviter la décision trop brusque voire trop tardive.
En définitive, la mise en place du « projet de préparation de l’avenir » devrait permettre, à terme et par étapes successives, d’anticiper les grandes évolutions à venir, et en particulier celles qui sont susceptibles de déboucher sur des transformations majeures de l’armée de terre. ♦
(1) Cf. : chronique « Armée de terre » du mois de juin 2002.