Opium, Pétrole et Islamisme. La triade du crime en Afghanistan
François Lafargue présente d’abord la situation géographique de l’Afghanistan, puis dresse un résumé de son histoire, avant de proposer une analyse de la situation actuelle.
L’Afghanistan apparaît comme un État particulièrement artificiel, éclaté par les clivages ethniques, les divisions religieuses et les rivalités politiques. Il se trouve ainsi morcelé entre cinq ethnies principales : les Pachtounes, les Tadjicks, les Ouzbecks, les Hazaras – eux-mêmes divisés entre chiites et sunnites – et les Aymaqs. À ces clivages ethniques s’ajoutent des divisions religieuses. Majoritairement sunnites, les Afghans comptent parmi eux une forte minorité de chiites, les Hazaras, concentré autour de Hérat. On y rencontre aussi des sikhs. Le pays n’est pas très peuplé, 23 millions d’habitants, et l’essentiel de la population est concentré aux alentours de Kaboul et dans l’Est de l’Afghanistan. Pays particulièrement enclavé, l’Afghanistan souffre d’un isolement marqué. En effet, Karachi, le port le plus proche est distant de plus de 1 300 kilomètres. Seules deux voies de circulation existent. Une voie circulaire qui relie les principales villes à la périphérie du pays et une autre, transversale, qui relie Farah à l’Ouest à Peshawar au Pakistan via les passes d’Unaï, Kaboul et Djalalalabad.
Conséquence de cette mosaïque, la conscience nationale a les plus grandes difficultés à émerger ; l’appartenance se faisant prioritairement à la tribu et au clan. Dans ces conditions, la notion d’État est perçue par les Afghans comme la propriété de l’ethnie pachtoun et plus particulièrement des Durrani ; et comme un lien ténu entre les différentes communautés villageoises. Toute volonté de renforcer l’autorité de l’État au détriment de celles-ci est ressentie comme la volonté des pachtouns de pérenniser leur autorité.
L’Afghanistan est aujourd’hui victime d’une situation chaotique qui est la conséquence de la guerre contre l’Union soviétique et de la guerre civile qui suivit. Ces vingt ans de combat ont provoqué un délitement total du système économique. Trois éléments ont contribué à cette situation : la disparition de la moitié du cheptel, la destruction et l’absence d’entretien des canaux d’irrigation qui ont empêché les paysans de poursuivre leurs cultures traditionnelles. Désor mais, la culture du pavot et la fabrication d’héroïne se sont substituées dans une grande proportion aux productions vivrières à tel point que 90 % de l’héroïne consommée en Europe provient d’Afghanistan. En 1998, 3 300 tonnes d’opium étaient produites en Afghanistan. Cette activité aurait alors représenté 10 % du PIB. L’infrastructure industrielle s’est, elle aussi, trouvée détruite lors du conflit contre les Soviétiques, réduisant à néant le potentiel d’exploitation des ressources en hydrocarbures dont dispose le pays.
À cette situation chaotique s’ajoute la déstabilisation causée par le problème des réfugiés. La guerre contre l’Union soviétique a provoqué la mort de 1,3 million d’Afghans et en a contraint 5 millions à l’exil, dont 60 % sont hébergés au Pakistan.
Au carrefour de voies de passages obligées, l’Afghanistan a connu de nombreuses invasions et s’est trouvé au cœur des ambitions des grandes puissances qui parviennent sur ses frontières. Les États-Unis, soucieux de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis du Moyen-Orient et de s’assurer le contrôle des réserves en hydrocarbure que les Chinois convoitent eux aussi, s’efforcent de contenir les influences russe et chinoise dans la région. Les Russes s’attachent à ce que l’exploitation des gisements de la mer Caspienne ne porte pas préjudice à leur économie. À cette fin, Moscou s’efforce d’être associé à l’extraction de ces matières premières pour en contrôler l’exploitation. Quant à la Chine, elle voit dans cette région un réservoir d’hydrocarbures indispensable à son développement. ♦