Un homme et des ailes, Albert Roper, Pionnier du droit aérien international, 1891-1969
Le juriste, flânant dans les rayons juridiques des supermarchés de la culture de notre temps, ne manquera pas d’être étonné lorsque, sous son regard distrait, passera la photo de couverture de l’ouvrage dont nous allons tenter de vous donner le goût. En effet, il est plutôt rare qu’un auteur de droit fasse de la photographie d’un pilote de chasse de la Première Guerre mondiale la couverture du fruit de son travail. Or, si comme nous l’espérons, vous vous plongez bientôt dans cette lecture, vous y découvrirez l’histoire d’une vie qui à elle seule vaut toute la Comédie humaine et les Rougons Macquart réunis, sans dépareiller lesdits rayons juridiques desdits supermarchés.
Albert Roper, qui nous livre sa propre histoire, est né en 1891 dans une famille bretonne qui vint en banlieue parisienne et dont les moyens de subsistance étaient limités à des petits boulots. Son père, victime de l’alcool, ne tint pas très longtemps des postes de gardiens de propriétés qu’il avait pu décrocher et ses parents se séparèrent. Malgré ce climat difficile, ses maîtres ont remarqué son intelligence. Grâce à leurs encouragements et à leur aide, il poursuit ses études et parvient au baccalauréat. Puis divers emplois lui permettent de financer ses études de droit.
Atteint par l’âge du service militaire, alors qu’il avait été reçu dans les premiers à la préparation militaire pour la cavalerie, il choisit le Train des équipages, pour rester en région parisienne. Affecté au 20e Escadron, au quartier de la Reine, à Versailles, il y prépare le concours des EOR, auquel il est reçu brillamment, sous l’impulsion de son lieutenant. Il entre donc au cours d’élève-officier de réserve du Train des équipages, à l’École d’application de l’artillerie de Fontainebleau d’où il sort deuxième. Le 16 avril 1914, il rejoint le quartier Fontenoy, c’est-à-dire à l’École militaire, où le 19e Escadron du Train des équipages est stationné.
Alors que la guerre éclate, il reçoit la charge d’un dépôt de remonte. Estimant que sa place est au front, il est muté à sa demande au 1er Groupe de chasseurs cyclistes. Après son mariage, le 21 août 1916, il est affecté, fin novembre, dans l’aviation. Commandant l’escadrille qu’il a lui-même créée, il est abattu sur la ligne de front et survit miraculeusement à ses blessures.
Une fois rétabli, il est affecté au ministère de la Guerre, Direction de l’aéronautique, où il conseillera Foch et Clemenceau pour la négociation du Traité de Versailles. C’est ici qu’apparaît la dimension juridique d’Albert Roper. En marge de ses activités et pressentant l’intérêt d’une coordination internationale de l’aéronautique civile, il œuvre pour la création de la Commission internationale de la navigation aérienne (Cina), dont il sera le secrétaire, avant d’occuper le même poste pour l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Outre cette extraordinaire histoire personnelle, son autobiographie, complétée par les souvenirs de son fils, constitue un éclairage unique sur la vie d’un officier pendant la Grande Guerre, mais surtout sur les négociations au cours des diverses conférences précédant le Traité de Versailles, sur l’exécution de ce dernier et, bien entendu, sur les négociations et la création de la Cina ainsi que sa sauvegarde pendant l’occupation.
Cet homme attachant, intelligent, sportif, diplomate et tenace mériterait d’être donné en exemple à nombre d’élèves officiers : seule la Marine n’a pas connu Albert Roper dans ses rangs. Sa vie démontre, s’il en était besoin, les liens qui unissent le droit et la Défense. ♦